George Sand en son jardin de Nohant…
George Sand en son jardin c’est une femme qui vécut en cet espace, tout au long de sa vie, des moments infinis, intensément ressentis sur le plan moral comme sur le plan physique, des moments heureux, accompagné des personnes qu’elle aimait, des moments de ce fait particulièrement mémorables.«… je sème, je plante, je fume mes plates-bandes, je fais des massifs, j’enfonce des pieux, je relève des murs, je fais venir de la terre légère d’une demie-lieue. Je suis en sabots toute la journée et ne rentre que pour dîner. Je ne plante pas un brin d’herbe sans penser à vous, sans me rappeler comme vous aimez et appréciez les fleurs, et comme vous les sentez, et comme vous les comprenez, et comme vous les peignez… J’ai fait multiplier dans mon jardin le mérite modeste (le réséda dans le langage des fleurs), la mauve jaune pâle à cœur violet et à étamines d’or. Elle a conservé le nom que vous lui avez donné… »
(Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 6, lettre n°2734, adressée à Eugène Delacroix après son deuxième séjour à Nohant, écrite à Nohant le 4 novembre 1843).
Evoquer George Sand en son jardin revient à conjuguer une multitude de verbes : marcher, jouer, rêver, lire, se confier, jardiner, surveiller, ordonner, admirer, observer, botaniser, cueillir, humer, écouter, frissonner, transpirer, pleurer, espérer, croire, s’émerveiller, s’isoler, aimer…
Dès le premier jour passé à Nohant en 1808, la petite Aurore, âgée de 4 ans, courut au jardin de sa grand-mère, entraînée par son fripon de grand-frère à faire des bêtises et transgresser les interdits. Le dernier jour de sa vie, alitée sur un lit d’appoint aux abords de la fenêtre de sa chambre, souffrant le martyre depuis une semaine, c’est vers son jardin que ses yeux se sont tournés pour finalement se fermer. C’est dans un cimetière familial, inclus au sein du parc, que le corps de George Sand repose depuis 1876.
Rares sont les jours passés à Nohant où George Sand ne descendit pas au jardin… Ces jours-là, seuls la maladie ou le mauvais temps (et encore…) l’en ont empêchée ! De ce jardin et du temps qu’elle y passa, la romancière nous renseigne elle-même abondamment. Sa correspondance, Histoire de ma vie (récit autobiographique dans lequel une place de choix est accordée à son enfance passée au jardin) et les agendas dans lesquels elle consigna au quotidien tant de détails concernant cet espace, fournissent quantité (presque trop !...) de textes nous donnant à comprendre le temps infini passé au jardin, les nombreux centres d’intérêt que George Sand y trouva, ainsi que les sentiments, multiples, par lesquels elle passa.
« Le temps est printanier aujourd’hui et j’aurais voulu t’en faire part. Il y a toujours des roses thé magnifiques, de l’héliotrope et du réséda en quantité. Le vent a promené nos cloches à melon jusqu’au pressoir, mais par respect pour les melons, ces rois du monde, il ne les a pas cassées ; en revanche, il a arraché les rideaux de lierre de ton pavillon ne voulant pas te respecter à l’égal d’un melon… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 24, lettre n°17606, adressée à Edmond Plauchut, écrite à Nohant le 13 novembre 1875.)
« Le temps est printanier aujourd’hui et j’aurais voulu t’en faire part. Il y a toujours des roses thé magnifiques, de l’héliotrope et du réséda en quantité. Le vent a promené nos cloches à melon jusqu’au pressoir, mais par respect pour les melons, ces rois du monde, il ne les a pas cassées ; en revanche, il a arraché les rideaux de lierre de ton pavillon ne voulant pas te respecter à l’égal d’un melon… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 24, lettre n°17606, adressée à Edmond Plauchut, écrite à Nohant le 13 novembre 1875.)
La réalité de ce jardin, d’hier à aujourd’hui, est celle d’un lieu oscillant entre pérennité et changements inévitables. Le jardin de George Sand est grand d’environ cinq hectares si on inclut la cour d’honneur devant la maison. Cette cour était agrémentée de massifs de fleurs et d’arbustes ; elle permettait l’accès à la demeure depuis la place du village et, à ce titre, se devait d’être agréable à la vue des habitants du lieu, des nombreux hôtes de la romancière et des villageois.
On accède au jardin en lui-même par une grille de fer forgée donnant sur cette cour ou bien depuis la route (départementale aujourd’hui) qui longe la propriété de George Sand. Cet accès-là est primordial : il permettait à toutes les personnes et à la romancière en premier lieu, arrivant à Nohant depuis Châteauroux _ généralement depuis Paris_, de descendre de la diligence reliant Châteauroux à Montluçon via La Châtre. C’est donc par le jardin que les hôtes de Nohant accédaient à la propriété ; plusieurs d’entre eux ont laissé de cette jolie entrée en matière des témoignages écrits précis.
Le jardin s’étire à l’est de la demeure selon un axe central matérialisée par une longue allée. Bordée de chaque côté de plates-bandes plantées de vivaces (à l’époque de George Sand s’y trouvaient plutôt des arbustes), cette allée divise l’espace en deux parties : le potager d’un côté avec ses châssis, sa serre, ses puits et un bâtiment servant à la presse des fruits ; le verger de l’autre côté. Dans cette direction, le jardin se confond au paysage environnant constitué de petites parcelles de terres ou de prairies attachées au hameau des Ormeaux.
Au-delà du verger, duquel il est séparé par une longue ligne de buis, un parc boisé s’étend jusqu’à la prairie bordant la route. A l’extrémité est de ce petit bois, où de multiples allées moussues créent un dédale labyrinthique à travers les bosquets, se trouve une petite île empierrée et cernée d’un fossé.
A la sortie du bois et au bout de la prairie, un bâtiment assez cossu dit « le pavillon Flaubert » (sans que Flaubert l’ait occupé…) ou « pavillon de l’astrologue », édifié en même temps que la demeure, marque l’entrée de la propriété depuis la route de Châteauroux. Occupé par diverses personnes du vivant de George Sand, il constitue une sorte d’annexe à la maison et permettait à la romancière d’installer chez elle certains hôtes, pour des villégiatures plutôt au long court, en leur offrant une autonomie plus grande qu’au sein de sa demeure.
Au-delà du pavillon, au sud et à l’ouest, le jardin longe la route, tout en en étant séparé par un fossé rempli d’eau (un saut-de-loup) qui fait office de frontière entre l’espace public et l’espace privé. Au sud, juste derrière la maison, une terrasse accessible depuis la salle à manger par un perron, permettait aux habitants du lieu de manger dehors aux beaux jours.
On accède au jardin en lui-même par une grille de fer forgée donnant sur cette cour ou bien depuis la route (départementale aujourd’hui) qui longe la propriété de George Sand. Cet accès-là est primordial : il permettait à toutes les personnes et à la romancière en premier lieu, arrivant à Nohant depuis Châteauroux _ généralement depuis Paris_, de descendre de la diligence reliant Châteauroux à Montluçon via La Châtre. C’est donc par le jardin que les hôtes de Nohant accédaient à la propriété ; plusieurs d’entre eux ont laissé de cette jolie entrée en matière des témoignages écrits précis.
Le jardin s’étire à l’est de la demeure selon un axe central matérialisée par une longue allée. Bordée de chaque côté de plates-bandes plantées de vivaces (à l’époque de George Sand s’y trouvaient plutôt des arbustes), cette allée divise l’espace en deux parties : le potager d’un côté avec ses châssis, sa serre, ses puits et un bâtiment servant à la presse des fruits ; le verger de l’autre côté. Dans cette direction, le jardin se confond au paysage environnant constitué de petites parcelles de terres ou de prairies attachées au hameau des Ormeaux.
Au-delà du verger, duquel il est séparé par une longue ligne de buis, un parc boisé s’étend jusqu’à la prairie bordant la route. A l’extrémité est de ce petit bois, où de multiples allées moussues créent un dédale labyrinthique à travers les bosquets, se trouve une petite île empierrée et cernée d’un fossé.
A la sortie du bois et au bout de la prairie, un bâtiment assez cossu dit « le pavillon Flaubert » (sans que Flaubert l’ait occupé…) ou « pavillon de l’astrologue », édifié en même temps que la demeure, marque l’entrée de la propriété depuis la route de Châteauroux. Occupé par diverses personnes du vivant de George Sand, il constitue une sorte d’annexe à la maison et permettait à la romancière d’installer chez elle certains hôtes, pour des villégiatures plutôt au long court, en leur offrant une autonomie plus grande qu’au sein de sa demeure.
Au-delà du pavillon, au sud et à l’ouest, le jardin longe la route, tout en en étant séparé par un fossé rempli d’eau (un saut-de-loup) qui fait office de frontière entre l’espace public et l’espace privé. Au sud, juste derrière la maison, une terrasse accessible depuis la salle à manger par un perron, permettait aux habitants du lieu de manger dehors aux beaux jours.
L’architecture actuelle du jardin de George Sand est la même qu’à son époque. Cette jolie réalité est attestée par un document précieux : un plan cadastral réalisé sur la commune de Nohant-Vic en 1841. Ce plan donne à voir les parcelles constituant la propriété sandienne dans le détail, les bâtiments comme le jardin. Son observation permet de constater que chaque partie du jardin a gardé son emplacement. Seules les proportions ont évolué : le verger d’aujourd’hui a gagné de la place sur le verger d’hier, tandis que le potager a été évidemment très réduit puisqu’il a perdu sa fonction nourricière. Par contre, le petit bois a gardé ses dimensions, la terrasse est toujours en place et le tracé des allées est exactement le même qu’en 1841 ! Arpenter aujourd’hui les allées du jardin de Nohant c’est être pas à pas, dans ceux de George Sand et de ses illustres invités !
La couverture végétale, par contre, n’est bien sûr plus la même. Hormis quelques arbres que George Sand a connu dans son jardin (les ifs séculaires du cimetière, les deux cèdres du Liban derrière la maison plantés symboliquement à la naissance de ses enfants, et quelques vieux buis tortueux…), le visiteur qui aborde Nohant aujourd’hui n’y trouve pas les espèces végétales que George Sand admiraient il y a 150 ans : peu de végétaux atteignent des âges canoniques ! Toutefois, le petit bois est constitué des mêmes essences d’arbres ou arbustes que ceux évoqués par la romancière dans Histoire de ma vie (charmes, frênes, érables, lilas…) et les tilleuls de la terrasse font écho à ceux que George Sand voyaient depuis les fenêtres de sa chambre…
Quelques arbres classés « remarquables » (deux ginkgo Biloba et un Sophora Japonica) ont été plantés peu de temps après la mort de la romancière par ses descendants ; un tulipier de Virginie a été mis en terre en 2004 afin de commémorer les 200 ans de la naissance de l’écrivaine.
Les fleurs aujourd’hui sont concentrées essentiellement en deux points du jardin : une roseraie attenante à la maison et un jardin bouquetier à proximité du potager. A l’époque de la romancière la présence de fleurs était sûrement bien plus importante et diffuse. La multiplicité des annotations écrites par George Sand à propos des plantes cultivées dans son jardin laisse imaginer des fleurs en abondance, avec une grande diversité d’espèces, des plus communes et endémiques aux plus rares et exotiques, ainsi que des floraisons échelonnées sur l’ensemble de l’année. Les notes des Agendas confirment cette réalité sur une grande partie de la vie de George Sand.
Le 18 décembre 1852, George Sand écrit : « Bouquet cueilli au jardin : roses du Bengale, roses thé blanches et couleur de chair, réséda, giroflée double violette, une scabieuse…, violettes, roses noisettes, verveine, valériane, mufliers, primevères, pervenches dans le bois, une dernière rose trémière, laurier-thym, fleurs de fraiseir caperon, feuilles de lierre nuancées de rouge et de jaune… ».
Le 4 octobre 1871, George Sand écrit : « Le jardin est un buisson de fleurs, anémones, roses, aster en buissons, verge d’or, pétunias, balsamines etc… ».
La couverture végétale, par contre, n’est bien sûr plus la même. Hormis quelques arbres que George Sand a connu dans son jardin (les ifs séculaires du cimetière, les deux cèdres du Liban derrière la maison plantés symboliquement à la naissance de ses enfants, et quelques vieux buis tortueux…), le visiteur qui aborde Nohant aujourd’hui n’y trouve pas les espèces végétales que George Sand admiraient il y a 150 ans : peu de végétaux atteignent des âges canoniques ! Toutefois, le petit bois est constitué des mêmes essences d’arbres ou arbustes que ceux évoqués par la romancière dans Histoire de ma vie (charmes, frênes, érables, lilas…) et les tilleuls de la terrasse font écho à ceux que George Sand voyaient depuis les fenêtres de sa chambre…
Quelques arbres classés « remarquables » (deux ginkgo Biloba et un Sophora Japonica) ont été plantés peu de temps après la mort de la romancière par ses descendants ; un tulipier de Virginie a été mis en terre en 2004 afin de commémorer les 200 ans de la naissance de l’écrivaine.
Les fleurs aujourd’hui sont concentrées essentiellement en deux points du jardin : une roseraie attenante à la maison et un jardin bouquetier à proximité du potager. A l’époque de la romancière la présence de fleurs était sûrement bien plus importante et diffuse. La multiplicité des annotations écrites par George Sand à propos des plantes cultivées dans son jardin laisse imaginer des fleurs en abondance, avec une grande diversité d’espèces, des plus communes et endémiques aux plus rares et exotiques, ainsi que des floraisons échelonnées sur l’ensemble de l’année. Les notes des Agendas confirment cette réalité sur une grande partie de la vie de George Sand.
Le 18 décembre 1852, George Sand écrit : « Bouquet cueilli au jardin : roses du Bengale, roses thé blanches et couleur de chair, réséda, giroflée double violette, une scabieuse…, violettes, roses noisettes, verveine, valériane, mufliers, primevères, pervenches dans le bois, une dernière rose trémière, laurier-thym, fleurs de fraiseir caperon, feuilles de lierre nuancées de rouge et de jaune… ».
Le 4 octobre 1871, George Sand écrit : « Le jardin est un buisson de fleurs, anémones, roses, aster en buissons, verge d’or, pétunias, balsamines etc… ».
D’une manière générale, il semble qu’autrefois la couverture végétale (arbres, arbustes et fleurs) était plus dense qu’aujourd’hui. Les quelques représentations connues du jardin de George Sand en son siècle, même si elles n’avaient pas pour vocation d’être forcément réalistes, font apparaître une végétation plus touffue, moins apprivoisée, contenue et entretenue qu’aujourd’hui.
« … Je vis plongée dans le travail de la campagne. Je fais faire un manège, une serre, un atelier, les vendanges, une noce… Je ne rentre à la maison que pour dîner, et je vis tellement au grand air que je ne sais plus comment je pourrai exister dans ma cage à Paris… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 7, lettre n°3277, adressée à une amie parisienne, écrite à Nohant en novembre 1845).
George Sand a hérité de ce jardin de sa grand-mère paternelle, qui l’aménagea à partir de 1793 en achetant la propriété de Nohant. Si George Sand n’a pas particulièrement cherché à le modifier, elle l’en a fait toutefois un jardin dans l’air du temps. Elle l’a enrichi de plusieurs éléments innovants dont certains n’existent malheureusement plus aujourd’hui, même si leurs traces restent visibles. Ce faisant, George Sand a ancré son jardin dans la modernité de son époque : celle d’un siècle qui fit la part belle au jardin d’agrément en opposition à l’industrialisation croissante de l’Europe.
Nous connaissons mal le jardin d’Aurore de Saxe ; toutefois, on peut sûrement le définir comme un jardin « romantique ». Acheté dans les dernières années du XVIII° siècle, il s’oppose à l’idée d’une nature trop disciplinée tel que le classicisme et l'Ancien Régime l'avaient définie et laisse le végétal se déployer. Le petit bois, au sein duquel la jeune Aurore future George Sand, a passé tant de temps, renvoie aux principes rousseauistes du Siècle des Lumières, desquels elle s’est nourrie et se révèle, à la lecture d’Histoire de ma vie, comme un espace propice à la solitude et la rêverie…
Cinquante plus tard, en pleine révolution industrielle, à l’heure où le jardin apparaît de plus en plus comme un rempart à la modernisation et une bulle au sein de laquelle on aime se réfugier contre le bruit et la saleté des villes, George Sand va apporter au sien des éléments d’une grande modernité.
« … Je vis plongée dans le travail de la campagne. Je fais faire un manège, une serre, un atelier, les vendanges, une noce… Je ne rentre à la maison que pour dîner, et je vis tellement au grand air que je ne sais plus comment je pourrai exister dans ma cage à Paris… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 7, lettre n°3277, adressée à une amie parisienne, écrite à Nohant en novembre 1845).
George Sand a hérité de ce jardin de sa grand-mère paternelle, qui l’aménagea à partir de 1793 en achetant la propriété de Nohant. Si George Sand n’a pas particulièrement cherché à le modifier, elle l’en a fait toutefois un jardin dans l’air du temps. Elle l’a enrichi de plusieurs éléments innovants dont certains n’existent malheureusement plus aujourd’hui, même si leurs traces restent visibles. Ce faisant, George Sand a ancré son jardin dans la modernité de son époque : celle d’un siècle qui fit la part belle au jardin d’agrément en opposition à l’industrialisation croissante de l’Europe.
Nous connaissons mal le jardin d’Aurore de Saxe ; toutefois, on peut sûrement le définir comme un jardin « romantique ». Acheté dans les dernières années du XVIII° siècle, il s’oppose à l’idée d’une nature trop disciplinée tel que le classicisme et l'Ancien Régime l'avaient définie et laisse le végétal se déployer. Le petit bois, au sein duquel la jeune Aurore future George Sand, a passé tant de temps, renvoie aux principes rousseauistes du Siècle des Lumières, desquels elle s’est nourrie et se révèle, à la lecture d’Histoire de ma vie, comme un espace propice à la solitude et la rêverie…
Cinquante plus tard, en pleine révolution industrielle, à l’heure où le jardin apparaît de plus en plus comme un rempart à la modernisation et une bulle au sein de laquelle on aime se réfugier contre le bruit et la saleté des villes, George Sand va apporter au sien des éléments d’une grande modernité.
Dans les années 1840, alors qu’elle passait à Nohant la moitié de l’année, à la belle saison, accompagnée de Frédéric Chopin, de Maurice et de Solange, George Sand fit aménager un manège pour pouvoir s’exercer à l’art équestre. Cette passion pour le cheval acquise durant l’adolescence, fit d’elle une excellente cavalière ; les chemins de la campagne de Nohant furent pour elle depuis toujours un terrain de chevauchées sensationnel. Cet amour du cheval George Sand le partagea avec sa fille Solange ; elles fréquentaient alors ensemble un manège parisien durant la période hivernale et l’envie d’un manège à Nohant se fit naturellement ressentir. Il permit très sûrement aux deux femmes de vivre ensemble quelques beaux moments de complicité et donna l’occasion à la mère de porter sur sa fille un regard admiratif.
A Maurice, à Nohant, le 15 mai 1846 : « La matinée a été belle et Solange en a profité pour monter la Blanche qu’elle remet au train du manège, et qu’elle assouplit avec supériorité. Le fait est qu’elle a fait cet hiver d’immenses progrès, je m’en aperçois, et qu’elle entend maintenant l’équitation aussi bien que moi… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 7, lettre n°3407).
George Sand n’eut pas l’usage de ce manège très longtemps : Solange quitta Nohant en se mariant et la romancière en prenant de l’âge montait bien moins à cheval. Sa trace toutefois dut rester visible au
sein du jardin puisque George Sand en fait parfois mention. Totalement disparu aujourd’hui, on peut penser qu’il se situait à l’extrémité est de la propriété, à proximité de la grande prairie longeant la route dans laquelle les chevaux avaient l’habitude de paître.
Au même moment, George Sand fit construire une serre attenante à sa demeure, à l’ouest de la propriété. Cette serre avait pour vocation d’accueillir des espèces végétales exotiques ne supportant pas la rigueur des hivers berrichons. On y accédait directement depuis le salon, ce qui constituait un atout supplémentaire à la maison en terme d’agrément et de confort. En 1851, George Sand fit installer un calorifère dans sa demeure ce qui permettait à cette serre d’être chauffée : quel luxe immense que d’avoir une serre chaude au cœur du Berry ! Cet espace permettait alors à George Sand de cultiver et d’admirer des espèces végétales rares, venues des quatre horizons, à longueur d’année. On sait qu’elle parvint même à y faire mûrir des ananas ! Elle bénéficia donc d’un petit jardin d’hiver durant la mauvaise saison ; cette serre au sein de laquelle elle s’installait parfois pour lire dut servir d’espace refuge dans l’agitation de la grande maison de Nohant lorsque le temps ne permettait pas à l’écrivain de s’échapper au jardin. A Maxime Du Camp, lettre écrite à Nohant, le 5 avril 1859 : « J’ai lu ce matin Le Chevalier au cœur saignant dans ma petite serre, au bruit d’un petit jet d’eau qui effeuillait un beau camélia blanc. Le soleil étincelait sur la mousse verte et sur une azalée rouge qui me crevait les yeux… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 15, lettre n°8246).
Ce genre d’installation était alors particulièrement à la mode dans les milieux aisés et citadins ; les progrès industriels liés à la construction métallique, à l’agencement de verrières et aux différents systèmes de chauffage se conjuguèrent à ce moment-là pour offrir des espaces intérieurs toujours plus végétalisés aux Français en mal de verdure. Cette serre à Nohant a disparu dans le courant du 20ème siècle ; les fondations en sont toutefois toujours visibles et quelques photographies faites dans les années 1900 en laissent un précieux témoignage.
Au même moment, George Sand fit construire une serre attenante à sa demeure, à l’ouest de la propriété. Cette serre avait pour vocation d’accueillir des espèces végétales exotiques ne supportant pas la rigueur des hivers berrichons. On y accédait directement depuis le salon, ce qui constituait un atout supplémentaire à la maison en terme d’agrément et de confort. En 1851, George Sand fit installer un calorifère dans sa demeure ce qui permettait à cette serre d’être chauffée : quel luxe immense que d’avoir une serre chaude au cœur du Berry ! Cet espace permettait alors à George Sand de cultiver et d’admirer des espèces végétales rares, venues des quatre horizons, à longueur d’année. On sait qu’elle parvint même à y faire mûrir des ananas ! Elle bénéficia donc d’un petit jardin d’hiver durant la mauvaise saison ; cette serre au sein de laquelle elle s’installait parfois pour lire dut servir d’espace refuge dans l’agitation de la grande maison de Nohant lorsque le temps ne permettait pas à l’écrivain de s’échapper au jardin. A Maxime Du Camp, lettre écrite à Nohant, le 5 avril 1859 : « J’ai lu ce matin Le Chevalier au cœur saignant dans ma petite serre, au bruit d’un petit jet d’eau qui effeuillait un beau camélia blanc. Le soleil étincelait sur la mousse verte et sur une azalée rouge qui me crevait les yeux… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 15, lettre n°8246).
Ce genre d’installation était alors particulièrement à la mode dans les milieux aisés et citadins ; les progrès industriels liés à la construction métallique, à l’agencement de verrières et aux différents systèmes de chauffage se conjuguèrent à ce moment-là pour offrir des espaces intérieurs toujours plus végétalisés aux Français en mal de verdure. Cette serre à Nohant a disparu dans le courant du 20ème siècle ; les fondations en sont toutefois toujours visibles et quelques photographies faites dans les années 1900 en laissent un précieux témoignage.
Un peu plus tardivement, à partir de 1855, George Sand agrémenta son jardin avec un poulailler réservé à des gallinacées de race exotique. En relation avec Charles Jacque _un peintre animalier installé à Barbizon qui collectionnait les races de poules inconnues en France pour pouvoir mieux les peindre_, George Sand accueillit à Nohant poules et œufs auxquels elle offrit un abri aussi distingué que leur plumage ! Cette « cabane chinoise » des poules a disparu depuis, mais on devine son emplacement : de forme hexagonale et de caractère orientalisant, elle se situait à l’extrémité ouest de la propriété, à proximité de la serre. Cette présence de poules sous haute surveillance fut alors pendant quelques années une occasion supplémentaire pour les habitants du lieu de sortir au jardin afin de leur rendre visite. Ces cocottes de luxe furent, de la part de George Sand et d’Alexandre Manceau, l’enjeu d’inquiétudes régulières mais aussi d’admiration quant à l’exubérance de leurs plumages, de leurs couleurs ou de leurs mœurs…
A Charles Jacques, à Nohant, le 25 janvier 1861 : « … vos poulettes nègres (ancienne appellation de la poule-soie) m’ont donné quatre coqs pur-sang et une seule poule. Voyez quel caprice ! J’ai sauvé aussi quelques métisses jaunes à oreilles bleues qui sont très jolies… Enfin j’ai un cinquième individu nègre pur-sang qui reste problématique. Jusqu’ici c’est une poule qui chante en coq et, dans leur grande sagesse, mes servantes me disent que c’est une poule stérile… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 16, lettre n°8940).
Elevée en dur, cette installation destinée à abriter des poules d’agrément, peut être comparée aux « fabriques » qui ont envahi les jardins des personnes les plus privilégiées socialement dans le courant du 19ème siècle afin de rendre ces espaces toujours plus attractifs et dépaysants.
En choisissant d’agrémenter son jardin de Nohant avec un manège, une serre chaude et une fabrique pour ses poules de races exotiques, George Sand a complètement suivi les tendances de son siècle qui font de l’espace jardin un espace à vivre toujours plus agréable, au sein duquel on cherche à passer toujours plus de temps.
A Charles Jacques, à Nohant, le 25 janvier 1861 : « … vos poulettes nègres (ancienne appellation de la poule-soie) m’ont donné quatre coqs pur-sang et une seule poule. Voyez quel caprice ! J’ai sauvé aussi quelques métisses jaunes à oreilles bleues qui sont très jolies… Enfin j’ai un cinquième individu nègre pur-sang qui reste problématique. Jusqu’ici c’est une poule qui chante en coq et, dans leur grande sagesse, mes servantes me disent que c’est une poule stérile… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 16, lettre n°8940).
Elevée en dur, cette installation destinée à abriter des poules d’agrément, peut être comparée aux « fabriques » qui ont envahi les jardins des personnes les plus privilégiées socialement dans le courant du 19ème siècle afin de rendre ces espaces toujours plus attractifs et dépaysants.
En choisissant d’agrémenter son jardin de Nohant avec un manège, une serre chaude et une fabrique pour ses poules de races exotiques, George Sand a complètement suivi les tendances de son siècle qui font de l’espace jardin un espace à vivre toujours plus agréable, au sein duquel on cherche à passer toujours plus de temps.
« Le jardin est adorable, on ne peut s’en arracher. Les petites (Aurore et Gabrielle, ses petites-filles) y poussent et y fleurissent… » (Note écrite à la page du 2 mai dans l’agenda de l’année 1871).
A la lecture des écrits de George Sand, apparaît une évidence : durant sa vie entière son jardin fut un espace privilégié, indissociable de la demeure. A Nohant, on vivait dedans autant que dehors. Le jardin se présentait comme une continuation de la demeure ; on y cultivait la terre tout autant qu’un un art de vivre faisant la part belle aux jeux, à la promenade, à la solitude mais aussi au vivre ensemble. Cette nature apprivoisée (ou pas…) servant d’écrin à la maison, s’immisçait même entre ses quatre murs : les bouquets de fleurs cueillies au jardin, les volières remplies d’oiseaux, les herbiers de la romancière et les papillons de son fils épinglés dans leurs boîtes, emplissaient la demeure.
Ce jardin vécu au quotidien, réfléchi et embelli continuellement au grès des besoins inhérents à une vie de famille intense et aux modes du 19ème siècle, est peut-être l’endroit au monde où George Sand se sentit le mieux.
Observatrice patiente et attentive d’une nature dont elle s’émerveillait continuellement des évolutions, sans jamais se lasser, à n’importe quelle saison de l’année, jusqu’à son dernier souffle de vie, George Sand en son jardin fut une femme particulièrement heureuse. Elle s’y trouvait en accord avec elle-même physiquement et moralement, et y partagea de multiples centres d’intérêts avec des personnes choisies. N’était-ce pas là, pour cette femme hors du commun, la raison d’être d’un jardin…
Le jardin d’Aurore ou l’enfance sublimée…
Ce ne sont pas les écrits privés d’Aurore Dupin qui permettent de comprendre la place prise par le jardin dans sa vie durant l’enfance ; la petite Aurore n’a pas écrit le jardin de Nohant, elle l’a vécu. C’est dans Histoire de ma vie, monumentale autobiographie, qu’il faut chercher ce qui s’est noué entre George Sand et son jardin durant l’enfance : elle accorde à cet espace une place primordiale au sein du texte.
La rédaction de cet ouvrage, longue de sept ans, fut pour elle un examen personnel introspectif, commencé en 1847, à une époque charnière de sa vie. Histoire de ma vie raconte Aurore au jardin en nous livrant évidemment une vérité vécue mais en l’augmentant aussi d’une part d’imaginaire idéalisant. George Sand en commence l’écriture à 43 ans et pourtant les souvenirs racontés à l’âge de la maturité sont d’une grande précision ; ils magnifient les liens entre l’enfant qu’elle était et les êtres aimés à ce moment-là qui l’accompagnèrent au jardin, comme si cet espace avait été un endroit sublimant leurs relations. La romancière se fait conteuse pour mieux convaincre son lecteur : les propos sont extrêmement imagés et nous donnent à voir, 150 ans après leur rédaction, 200 ans après la réalité des événements, l’enfant heureuse et épanouie, car aimée et libre que la petite Aurore Dupin a été au sein du grand jardin de sa grand-mère. Histoire de ma vie place le jardin de Nohant sous le sceau de l’intensité des liens établis entre elle et les membres d’une famille dont elle a manqué…
La petite Aurore, âgée de 4 ans, arrive à Nohant durant l’été 1808, après un voyage éprouvant avec ses parents et son petit frère Louis _ né aveugle et âgé de quelques mois seulement_, depuis Madrid, à travers l’Espagne en guerre.
Le premier jour de son arrivée, fatiguée, atteinte comme son frère de la gale, elle se souvient de l’accueil chaleureux de sa grand-mère, de son repos dans la grande chambre du rez-de-chaussée, de la fraîcheur de la pièce (Histoire de ma vie, deuxième partie, chapitre14).
Deux heures plus tard, un garçon plus âgé qu’elle l’entraîne avec lui dans le jardin. Première rencontre avec son demi-frère (mais elle ne le sait pas encore…), Hippolyte, fils non reconnu de Maurice Dupin, le père de George Sand ; première rencontre avec le grand jardin : « Je me souviens qu’il me tenait par la main avec une sollicitude extrême, croyant qu’à chaque pas j’allais tomber… ». Ce jour-là, ils firent ensemble leurs premières bêtises, bientôt suivies de beaucoup d’autres… Ils fabriquèrent « des pâtés à la crotte » ! Du sable, du terreau, de l’eau pétris ensemble pour former des « gâteaux » qui finirent dans le four à pain au grand dam des servantes « qui, en venant retirer le pain et les galettes, juraient et jetaient dehors nos étranges ragoûts cuits à point ». Hippolyte l’initiateur fut vite adopté par sa petite sœur…
Le premier jour de son arrivée, fatiguée, atteinte comme son frère de la gale, elle se souvient de l’accueil chaleureux de sa grand-mère, de son repos dans la grande chambre du rez-de-chaussée, de la fraîcheur de la pièce (Histoire de ma vie, deuxième partie, chapitre14).
Deux heures plus tard, un garçon plus âgé qu’elle l’entraîne avec lui dans le jardin. Première rencontre avec son demi-frère (mais elle ne le sait pas encore…), Hippolyte, fils non reconnu de Maurice Dupin, le père de George Sand ; première rencontre avec le grand jardin : « Je me souviens qu’il me tenait par la main avec une sollicitude extrême, croyant qu’à chaque pas j’allais tomber… ». Ce jour-là, ils firent ensemble leurs premières bêtises, bientôt suivies de beaucoup d’autres… Ils fabriquèrent « des pâtés à la crotte » ! Du sable, du terreau, de l’eau pétris ensemble pour former des « gâteaux » qui finirent dans le four à pain au grand dam des servantes « qui, en venant retirer le pain et les galettes, juraient et jetaient dehors nos étranges ragoûts cuits à point ». Hippolyte l’initiateur fut vite adopté par sa petite sœur…
Elevé et éduqué à Nohant par Aurore de Saxe, Hippolyte Chatiron, le fils illégitime, entraîna Aurore et sa petite copine Ursule (nièce de la gouvernante de sa grand-mère) vers bien d’autres interdits ! Ils s’amusaient ensemble à piéger le jardinier en formant dans les belles allées ratissées du jardin ce que George Sand appelle des « trompe-chien », sorte de trompe l’œil en vérité ! Un trou rempli de terre et d’eau, recouvert d’ardoise et de feuilles séchées, attendait patiemment, au détour des allées, le pas lourd et déterminé du jardinier qui se fit prendre au piège plus d’une fois…
Un jour, l’impensable arriva… Deschartres, l’élégant, l’aristocratique, le terrible et redouté précepteur d’Aurore et Hippolyte, « y fut pris »… Portant toujours « de beaux bas à côtes, bien blancs », marchant « le jarret tendu et le pied en dehors », il s’enfonça « jusqu’à mi-jambe dans une glaise jaune admirablement préparée pour teindre ses bas… ». Hippolyte feignit l’innocence, Aurore et Ursule prirent leurs jambes à leur cou…
Autre plaisir partagé par les trois chenapans : celui d’imiter la confection du boudin, de laquelle ils étaient les témoins réguliers, en extrayant le jus des concombres du potager… Hippolyte se chargeaient de tuer les légumes comme on le fait des cochons, tandis qu’Ursule en recueillait le jus et qu’Aurore allumait un feu fictif. Aucun concombre, n’échappa au massacre… : « Hippolyte, au milieu des cadavres, ressemblait à Ajax immolant dans son délire les troupeaux de l’armée des Grecs… ». Le jardinier dépité porta plainte, les enfants furent punis et aucun concombre ne fut mangé durant cet été…
A la lecture d’Histoire de ma vie (troisième partie, chapitre 3), le jardin fut donc pour Aurore et ses compagnons de jeux, le jardin des interdits que l’on transgresse, loin des yeux des adultes. Celui des bêtises faites ensemble, des mains trempées dans l’eau et la terre, des vêtements salis, des fous rires et des peurs partagées, des courses éperdues qui vous font le souffle court afin d’échapper aux réprimandes qui finissent toujours par tomber…
Le jardin de Nohant fut celui des souvenirs qu’on n’oublie jamais.
Un jour, l’impensable arriva… Deschartres, l’élégant, l’aristocratique, le terrible et redouté précepteur d’Aurore et Hippolyte, « y fut pris »… Portant toujours « de beaux bas à côtes, bien blancs », marchant « le jarret tendu et le pied en dehors », il s’enfonça « jusqu’à mi-jambe dans une glaise jaune admirablement préparée pour teindre ses bas… ». Hippolyte feignit l’innocence, Aurore et Ursule prirent leurs jambes à leur cou…
Autre plaisir partagé par les trois chenapans : celui d’imiter la confection du boudin, de laquelle ils étaient les témoins réguliers, en extrayant le jus des concombres du potager… Hippolyte se chargeaient de tuer les légumes comme on le fait des cochons, tandis qu’Ursule en recueillait le jus et qu’Aurore allumait un feu fictif. Aucun concombre, n’échappa au massacre… : « Hippolyte, au milieu des cadavres, ressemblait à Ajax immolant dans son délire les troupeaux de l’armée des Grecs… ». Le jardinier dépité porta plainte, les enfants furent punis et aucun concombre ne fut mangé durant cet été…
A la lecture d’Histoire de ma vie (troisième partie, chapitre 3), le jardin fut donc pour Aurore et ses compagnons de jeux, le jardin des interdits que l’on transgresse, loin des yeux des adultes. Celui des bêtises faites ensemble, des mains trempées dans l’eau et la terre, des vêtements salis, des fous rires et des peurs partagées, des courses éperdues qui vous font le souffle court afin d’échapper aux réprimandes qui finissent toujours par tomber…
Le jardin de Nohant fut celui des souvenirs qu’on n’oublie jamais.
Histoire de ma vie (deuxième partie, chapitre 14) raconte aussi l’histoire magnifique d’un jardin pour Louis. Malade, l’enfant dépérit à vue d’œil alors que la petite famille est à peine arrivée à Nohant. La maman, Sophie-Victoire allaitait son enfant et s’inquiétant de la qualité de son lait, décida de s’activer physiquement pour être en meilleure santé : « Elle commença aussitôt un petit jardin dans un angle du grand jardin de Nohant, au pied d’un poirier qui existe encore… ».
Malgré les efforts de sa mère, Louis mourut. Il fut d’abord inhumé au sein du cimetière communal ; puis, en cachette, ses parents déplacèrent le cercueil « au pied du vieux poirier ». A partir de ce moment-là, dès le lendemain, le jardin-tombeau de Louis ne cessa de s’agrandir ! Une butte fut élevée, au sommet de laquelle un petit sentier débouchait ; Aurore s’y installait sans se douter d’être auprès de son frère… Sa mère, son père, Hippolyte et elle-même y travaillèrent « sans relâche pendant cinq ou six journées ». Son père, apportant de la terre et du gazon dans une brouette, y installait Aurore et Hippolyte et s’amusait à faire semblant de verser la brouette pour les « voir crier ou rire »… Ces journées-là, « les plus paisibles peut-être qu’il ait goûtées, les plus tendres dans leur mélancolie », furent les seules dans la vie de Maurice Dupin où il eût tous ses enfants autour de lui. Ces instants, racontés 40 ans plus tard avec tant de réalisme par George Sand, furent les derniers de la vie de son père. Il mourut brutalement le 16 septembre 1808 d’une stupide chute de cheval.
Le texte de la romancière raconte-t-il la vérité ? Cette réunion de toute la famille autour de la tombe de Louis paraît presque trop belle pour être vraie… Peu importe finalement. L’important c’est ce que George Sand veut dire à ses lecteurs : l’histoire d’un père, dont elle a cruellement manqué, parti trop vite, parti trop tôt, mais qui eut le temps d’assumer son rôle et de marquer durablement par des souvenirs heureux la mémoire de sa fille.
Ce poirier à la longévité remarquable au pied duquel Louis avait été enterré, était encore debout au moment de la rédaction d’Histoire de ma vie par George Sand.
Il s’avère qu’elle le fit couper en 1863 si on s’en tient à ce que l’agenda de cette année-là évoque à la date du 20 novembre : « En coupant le vieux poirier de l’allée du pigeonnier, on met à jour le tombeau du petit frère de Mme Sand. Mme Sand le fouille : il n’y a plus rien que quelques clous et deux plaques de verre qui renfermaient le dossier explicatif et qui est détruit par l’humidité. On recouvre néanmoins la petite tombe et on refait l’allée… ».
Si, aujourd’hui, le poirier planté il y a bien longtemps « dans un angle du grand jardin de Nohant » a disparu, l’allée qui mène au pigeonnier est facilement identifiable ; toutefois, retrouver précisément l’emplacement de cette tombe s’avère compliqué…
Mais qu’importe finalement puisque le jardin-tombeau de Louis, espace fédérateur des sentiments éprouvés par tous les membres de sa famille autour de lui, est gravé dans le marbre d’Histoire de ma vie.
Cette autobiographie, dans les chapitres consacrés à l’enfance au jardin, est aussi un bel hommage rendu par George Sand à sa mère. Pourtant, à Nohant, les temps de présence de Sophie-Victoire, la roturière, la saltimbanque, l’artiste s’ignorant elle-même, la belle-fille difficilement acceptée dans son clan par l’aristocratique Aurore de Saxe, sont finalement minimes. A la mort de Maurice Dupin, se sentant forcément démunie matériellement et moralement, partagée entre l’amour qu’elle portait à sa fille et les promesses d’un avenir glorieux que la mère de son défunt mari pouvait offrir à cette enfant _ son unique descendante_, Sophie-Victoire céda à sa belle-mère l’autorité juridique qu’elle avait sur Aurore
Il s’avère qu’elle le fit couper en 1863 si on s’en tient à ce que l’agenda de cette année-là évoque à la date du 20 novembre : « En coupant le vieux poirier de l’allée du pigeonnier, on met à jour le tombeau du petit frère de Mme Sand. Mme Sand le fouille : il n’y a plus rien que quelques clous et deux plaques de verre qui renfermaient le dossier explicatif et qui est détruit par l’humidité. On recouvre néanmoins la petite tombe et on refait l’allée… ».
Si, aujourd’hui, le poirier planté il y a bien longtemps « dans un angle du grand jardin de Nohant » a disparu, l’allée qui mène au pigeonnier est facilement identifiable ; toutefois, retrouver précisément l’emplacement de cette tombe s’avère compliqué…
Mais qu’importe finalement puisque le jardin-tombeau de Louis, espace fédérateur des sentiments éprouvés par tous les membres de sa famille autour de lui, est gravé dans le marbre d’Histoire de ma vie.
Cette autobiographie, dans les chapitres consacrés à l’enfance au jardin, est aussi un bel hommage rendu par George Sand à sa mère. Pourtant, à Nohant, les temps de présence de Sophie-Victoire, la roturière, la saltimbanque, l’artiste s’ignorant elle-même, la belle-fille difficilement acceptée dans son clan par l’aristocratique Aurore de Saxe, sont finalement minimes. A la mort de Maurice Dupin, se sentant forcément démunie matériellement et moralement, partagée entre l’amour qu’elle portait à sa fille et les promesses d’un avenir glorieux que la mère de son défunt mari pouvait offrir à cette enfant _ son unique descendante_, Sophie-Victoire céda à sa belle-mère l’autorité juridique qu’elle avait sur Aurore
Elle resta toutefois suffisamment de temps auprès de sa fille à Nohant, pour que sa présence soit consacrée dans la mémoire de la future George Sand et de ce fait dans les pages d’Histoire de ma vie (deuxième partie, chapitre 16).
Le jardin fut alors, à ce moment-là, un espace intensément partagé entre la mère et la fille, avant que Sophie ne s’en aille. George Sand raconte que dans un coin inaccessible du petit bois de Nohant, sa mère créa un sentier qui fut « bordé de violettes, de primevères et de pervenches » menant à « un petit nid où un banc fut établi sous les lilas et les aubépines ». Investi par Sophie qui y portait ses travaux d’aiguille, par Aurore et Ursule qui y apportaient leurs leçons ou leurs jeux, le « nid » prit bientôt des proportions incroyables ! Les fillettes s’amusaient à y construire des palais tout droit sortis de leur imaginaire, avec des briques et des pierres, mais sans grande réussite… Alors, Sophie, la maman aux doigts de fée, s’en mêla. Grâce à toutes sortes de pierres colorées ramenées des alentours, elle créa au fil des jours une grotte en rocaille toujours plus importante. « Une grande terrine à fond d’émail vert » fut utilisée pour créer une source d’eau vive et un beau jour, grâce à la complicité de la bonne d’Aurore, cachée derrière la grotte et munie d’un grand vase, une cascade jaillit sous le coup de la baguette magique tenue en main par Sophie ! « La cascade tombant de deux pieds de haut dans le bassin formé par la terrine offrit une nappe cristalline qui dura deux ou trois minutes… L’illusion fut de courte durée, mais elle avait été complète, délicieuse, et je ne crois pas avoir éprouvé plus de surprises et d’admiration quand j’ai vu par la suite les grandes cataractes des Alpes ou des Pyrénées… ».
Ce souvenir inoubliable pour George Sand est le résultat de la magie de l’enfance et de l’amour d’une mère trop rapidement écartée. La volonté de Sophie-Victoire de sublimer cette petite parcelle boisée s’oppose à celle d’Aurore de Saxe, la cartésienne, qui ne sortait que rarement dans son jardin et détestait l’idée que sa petite-fille puisse croire à ce qui n’existait pas.
Au sein du jardin de Nohant, Sophie a transmis à sa fille le plus beau des héritages : le droit de croire au merveilleux… Cinquante ans plus tard, George Sand devenue grand-mère, créa au sein du petit bois de son enfance, un jardin féérique, magique, fabuleux, le jardin de tous les possibles, pour les beaux yeux de Nini…
Le jardin fut alors, à ce moment-là, un espace intensément partagé entre la mère et la fille, avant que Sophie ne s’en aille. George Sand raconte que dans un coin inaccessible du petit bois de Nohant, sa mère créa un sentier qui fut « bordé de violettes, de primevères et de pervenches » menant à « un petit nid où un banc fut établi sous les lilas et les aubépines ». Investi par Sophie qui y portait ses travaux d’aiguille, par Aurore et Ursule qui y apportaient leurs leçons ou leurs jeux, le « nid » prit bientôt des proportions incroyables ! Les fillettes s’amusaient à y construire des palais tout droit sortis de leur imaginaire, avec des briques et des pierres, mais sans grande réussite… Alors, Sophie, la maman aux doigts de fée, s’en mêla. Grâce à toutes sortes de pierres colorées ramenées des alentours, elle créa au fil des jours une grotte en rocaille toujours plus importante. « Une grande terrine à fond d’émail vert » fut utilisée pour créer une source d’eau vive et un beau jour, grâce à la complicité de la bonne d’Aurore, cachée derrière la grotte et munie d’un grand vase, une cascade jaillit sous le coup de la baguette magique tenue en main par Sophie ! « La cascade tombant de deux pieds de haut dans le bassin formé par la terrine offrit une nappe cristalline qui dura deux ou trois minutes… L’illusion fut de courte durée, mais elle avait été complète, délicieuse, et je ne crois pas avoir éprouvé plus de surprises et d’admiration quand j’ai vu par la suite les grandes cataractes des Alpes ou des Pyrénées… ».
Ce souvenir inoubliable pour George Sand est le résultat de la magie de l’enfance et de l’amour d’une mère trop rapidement écartée. La volonté de Sophie-Victoire de sublimer cette petite parcelle boisée s’oppose à celle d’Aurore de Saxe, la cartésienne, qui ne sortait que rarement dans son jardin et détestait l’idée que sa petite-fille puisse croire à ce qui n’existait pas.
Au sein du jardin de Nohant, Sophie a transmis à sa fille le plus beau des héritages : le droit de croire au merveilleux… Cinquante ans plus tard, George Sand devenue grand-mère, créa au sein du petit bois de son enfance, un jardin féérique, magique, fabuleux, le jardin de tous les possibles, pour les beaux yeux de Nini…
Sophie-Victoire ne tarda pas à quitter Nohant pour regagner Paris où elle avait toujours vécu. Privée de son père et de sa mère, la petite Aurore Dupin dut se sentir bien seule à Nohant auprès d’une grand-mère presque grabataire, dont les habitudes de vie ancrées dans un passé révolu et l’esprit voltairien interdisaient à sa petite-fille la liberté de courir et celle de s’inventer des mondes imaginaires… Aurore pouvait compter, pour se consoler de cette solitude, sur l’amitié d’Ursule et des enfants des paysans de Nohant _ Liset, Marie, Solange_, mais aussi sur une imagination débordante qui fut sûrement salutaire…
Dans Histoire de ma vie (troisième partie, chapitre 8), George Sand raconte comment elle s’inventa alors une divinité qui devait venir combler l’absence de mythologies au sein de la grande maison d’Aurore de Saxe, l’absence de sa mère peut-être aussi...
Baptisée Corambé, cette figure asexuée et réconfortante, « pur et charitable comme Jésus, rayonnant et beau comme Gabriel », devint une sorte d’ami imaginaire et prit tant de place dans le mental d’Aurore qu’elle ressentit bientôt le besoin de lui vouer un culte. C’est dans le jardin, au cœur du petit bois, qu’en grand secret, elle lui consacra un sanctuaire. Elle pensa tout d’abord à la grotte en rocaille, souvenir de la présence et de l’amour de sa mère, mais l’endroit trop fréquenté fut vite oublié ; elle choisit alors un fourré bien épais au centre duquel « s’élevaient trois beaux érables sortant d’un même pied ». En cet endroit secret, « aussi cachée qu’au fond d’une forêt vierge », au cœur d’une nature sacralisée, la petite fille éleva un temple dédié à un Dieu en lequel elle seule croyait. De belles pierres, des couronnes de fleurs, des branches, du lierre, de la mousse, des nids d’oiseaux, des coquillages servirent à édifier un sanctuaire bien fragile. Afin d’honorer Corambé, toutes sortes de petits animaux ou insectes étaient capturés pour être finalement libérés sur l’autel et en l’honneur de Dame Nature…
Dans Histoire de ma vie (troisième partie, chapitre 8), George Sand raconte comment elle s’inventa alors une divinité qui devait venir combler l’absence de mythologies au sein de la grande maison d’Aurore de Saxe, l’absence de sa mère peut-être aussi...
Baptisée Corambé, cette figure asexuée et réconfortante, « pur et charitable comme Jésus, rayonnant et beau comme Gabriel », devint une sorte d’ami imaginaire et prit tant de place dans le mental d’Aurore qu’elle ressentit bientôt le besoin de lui vouer un culte. C’est dans le jardin, au cœur du petit bois, qu’en grand secret, elle lui consacra un sanctuaire. Elle pensa tout d’abord à la grotte en rocaille, souvenir de la présence et de l’amour de sa mère, mais l’endroit trop fréquenté fut vite oublié ; elle choisit alors un fourré bien épais au centre duquel « s’élevaient trois beaux érables sortant d’un même pied ». En cet endroit secret, « aussi cachée qu’au fond d’une forêt vierge », au cœur d’une nature sacralisée, la petite fille éleva un temple dédié à un Dieu en lequel elle seule croyait. De belles pierres, des couronnes de fleurs, des branches, du lierre, de la mousse, des nids d’oiseaux, des coquillages servirent à édifier un sanctuaire bien fragile. Afin d’honorer Corambé, toutes sortes de petits animaux ou insectes étaient capturés pour être finalement libérés sur l’autel et en l’honneur de Dame Nature…
Un jour toutefois, alors qu’à l’abri de tous les regards ce culte durait déjà depuis longtemps, elle vit son secret mis à jour par le petit Liset qui, s’inquiétant de voir disparaître sans explications Mademoiselle Aurore à tout bout de champ, finit par la dénicher au coeur du fourré mystifié ! Le charme du secret étant rompu, Aurore détruisit l’autel de Corambé… Cependant, la divinité agreste et l’idée que la nature ne pouvait finalement être que l’œuvre de Dieu, restèrent bien ancrées dans son esprit…
Aujourd’hui, dans le jardin de George Sand, au sein du petit bois, les promeneurs peuvent découvrir enserrée dans un écrin de charmilles, une statue baptisée Corambé. Installée il y a presque 30 ans, créée par la plasticienne Françoise Vergier, cette œuvre contemporaine rappelle l’imaginaire débordant d’une enfant avide de liberté, de spiritualité et de mythes, devenue l’une des plus grandes romancières du 19ème siècle.
George Sand, en relatant ses souvenirs d’enfant au jardin dans son autobiographie, livre à ses lecteurs son roman familial. Les pages de ce roman sont pleines de ruptures douloureuses mais de l’amour aussi que ses parents lui portèrent, concrétisé au jardin. Elles racontent aussi les rires, les sensations, les émotions partagées avec Hippolyte et Ursule qui furent des compagnons pour la vie. Le jardin de George Sand à Nohant est défini par Histoire de ma vie comme l’endroit où elle fut sûrement la plus heureuse et la plus libre des petites filles…
George Sand, en relatant ses souvenirs d’enfant au jardin dans son autobiographie, livre à ses lecteurs son roman familial. Les pages de ce roman sont pleines de ruptures douloureuses mais de l’amour aussi que ses parents lui portèrent, concrétisé au jardin. Elles racontent aussi les rires, les sensations, les émotions partagées avec Hippolyte et Ursule qui furent des compagnons pour la vie. Le jardin de George Sand à Nohant est défini par Histoire de ma vie comme l’endroit où elle fut sûrement la plus heureuse et la plus libre des petites filles…
Ce que disent les fleurs du jardin de George Sand…
« Dis… à Pierre (le jardinier du moment) de semer sur couche et sur plates-bandes les graines de fleurs qui sont dans un des grands vases de Chine, dans ma chambre à coucher… et qu’il les soigne car je veux des fleurs en quantité toute l’année, autour de la maison… S’il manquait de fumier pour ses couches, fais-en acheter quelques charrois… Surveilles-en l’emploie cependant, car cela pourrait servir uniquement aux légumes, et je veux que les fleurs ne soient pas négligées… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 5, lettre n°2413, écrite à Paris le 4 mars 1842, adressée à Hippolyte Chatiron, son demi-frère, très présent à Nohant, auquel elle déléguait la surveillance de la propriété quand elle ne s’y trouvait pas).
Les écrits de George Sand concernant le jardin de Nohant regorgent de mentions témoignant de sa volonté forte d’avoir un jardin particulièrement fleuri. Des fleurs de toutes sortes, des fleurs toute l’année, des fleurs auxquelles elle apportait elle-même très souvent un soin attentif.
Au-delà de l’agrément qu’apportent des massifs fleuris dans le jardin d’une belle demeure, la présence de fleurs chez George Sand participait aussi de la curiosité qu’elle en avait. Sa bibliothèque (perdue depuis longtemps mais dont nous avons une connaissance précise) était riche de très nombreux ouvrages concernant la connaissance des fleurs répertoriées à travers le monde au 19ème siècle. Le siècle de George Sand est, par rapport aux siècles précédents, celui de l’horticulture. On arrive alors à une connaissance jamais atteinte des plantes existant sous toutes les latitudes ; les jardins étant à la mode, la priorité de leurs propriétaires était logiquement de les enrichir de plantes toujours plus rares, provenant parfois de pays lointains. Afin de pouvoir les acclimater, il fallait évidemment bien les connaître pour répondre à leurs besoins ; pour cela la science et la littérature horticoles se sont développées, les pépiniéristes sont devenus toujours plus nombreux _certains d’entre eux s’imposant encore de nos jours_, et un commerce important s’est développé autour de la fleur. George Sand n’était pas en reste ! Elle paraît avoir eu des connaissances immenses et précises à propos des fleurs qu’elle accueillait dans son jardin, et si ces connaissances devaient lui manquer, elle cherchait à les acquérir en consultant des ouvrages empruntés parfois à des amis amateurs comme elle de beaux jardins, amis auprès desquels elle glanait aussi de précieux conseils. Cette passion horticole est fortement liée à des sentiments d’amitié unissant George Sand à des tas de personnes.
George Sand possédait dans sa bibliothèque de Nohant un livre d'horticulture: Plantes de la France décrites et peintes d'après nature, par Mr Jaume de Saint-Hilaire, Paris, 1822.
Cliquez ici pour le consulter
Au-delà de l’agrément qu’apportent des massifs fleuris dans le jardin d’une belle demeure, la présence de fleurs chez George Sand participait aussi de la curiosité qu’elle en avait. Sa bibliothèque (perdue depuis longtemps mais dont nous avons une connaissance précise) était riche de très nombreux ouvrages concernant la connaissance des fleurs répertoriées à travers le monde au 19ème siècle. Le siècle de George Sand est, par rapport aux siècles précédents, celui de l’horticulture. On arrive alors à une connaissance jamais atteinte des plantes existant sous toutes les latitudes ; les jardins étant à la mode, la priorité de leurs propriétaires était logiquement de les enrichir de plantes toujours plus rares, provenant parfois de pays lointains. Afin de pouvoir les acclimater, il fallait évidemment bien les connaître pour répondre à leurs besoins ; pour cela la science et la littérature horticoles se sont développées, les pépiniéristes sont devenus toujours plus nombreux _certains d’entre eux s’imposant encore de nos jours_, et un commerce important s’est développé autour de la fleur. George Sand n’était pas en reste ! Elle paraît avoir eu des connaissances immenses et précises à propos des fleurs qu’elle accueillait dans son jardin, et si ces connaissances devaient lui manquer, elle cherchait à les acquérir en consultant des ouvrages empruntés parfois à des amis amateurs comme elle de beaux jardins, amis auprès desquels elle glanait aussi de précieux conseils. Cette passion horticole est fortement liée à des sentiments d’amitié unissant George Sand à des tas de personnes.
George Sand possédait dans sa bibliothèque de Nohant un livre d'horticulture: Plantes de la France décrites et peintes d'après nature, par Mr Jaume de Saint-Hilaire, Paris, 1822.
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George Sand à sa belle-fille, lettre écrite à Paris, le 2 juin 1874 : « Aujourd’hui par grande vitesse partiront deux cadeaux que Plauchut m’a faits et que je ne veux pas laisser souffrir avant de les mettre à Nohant. Cela consiste en un gardénia superbe qu’il faut laisser à l’air en été à mi-ombre et rentrer dès les premiers froids ; et un Kalmia du Canada qui veut la pleine terre et supporte le froid mieux que le chaud. Je le mettrai du côté des cotonéasters à mi-ombre aussi mais dépoté tout de suite et arrosé… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 24, lettre n°17000).
De ces amitiés ayant la fleur comme passion commune, le jardin de George Sand s’est nourri puisqu’il s’est enrichi de graines, de boutures et de plants offerts par les amis. Les fleurs du jardin de Nohant ont aussi voyagé et permis de fleurir des tas d’autres jardins. Ces échanges ont ainsi matérialisé les liens affectifs et formé une formidable mémoire commune : quel plus joli souvenir qu’une fleur qui renaît chaque année au jardin, peut offrir un être chéri ?
George Sand à son cousin René Vallet de Villeneuve, propriétaire du château de Chenonceaux, lettre écrite à Nohant, le 2 août 1847 : « Les beaux fuchsias de Chenonceaux sont fleuris sur ma terrasse et se portent bien, ainsi que les autres plantes. Je pense à Chenonceaux en le voyant… ».(Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome n°8, lettre n°3705).
Nohant, les fuchsias dans le vase Médicis placé devant les deux Cèdres du Liban.
L’amour des fleurs a été un des rares centres d’intérêt que George Sand eut avec sa fille Solange. Dans la difficulté de leur relation, il est assez touchant de faire le constat que la fleur fut un petit trait d’union apaisant entre les deux femmes.
George Sand à Solange, lettre écrite à Nohant, le 2 mai 1872 : « Nous avons été épatées toutes deux (elle parle de sa petite-fille, Aurore, fille de Maurice, nièce de Solange), et Maurice aussi, en voyant l’iris deuil que tu nous avais apporté l’année dernière. Il est énorme bien que petit de taille et que la plante n’eût l’air de rien. On ne sait pas d’où est sortie cette fleur immense avec ses rayures de serpent à deux teintes. C’est merveilleux. Elle a très bien passé l’hiver ici en pleine terre. Pourrons-nous la multiplier ? J’en voudrais une masse. C’est trop beau… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 23, lettre n°16080).
George Sand à Solange, lettre écrite à Nohant, le 2 mai 1872 : « Nous avons été épatées toutes deux (elle parle de sa petite-fille, Aurore, fille de Maurice, nièce de Solange), et Maurice aussi, en voyant l’iris deuil que tu nous avais apporté l’année dernière. Il est énorme bien que petit de taille et que la plante n’eût l’air de rien. On ne sait pas d’où est sortie cette fleur immense avec ses rayures de serpent à deux teintes. C’est merveilleux. Elle a très bien passé l’hiver ici en pleine terre. Pourrons-nous la multiplier ? J’en voudrais une masse. C’est trop beau… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 23, lettre n°16080).
George Sand en son jardin de Nohant...
Les oiseaux de Nohant et Frédéric Chopin : Etude n°1 In A Flat, Op. 25/1.
Parmi les différentes variétés de fleurs dont le jardin de George Sand était embelli, l’une d’entre elle mérite un éclairage particulier : la rose.
A Nohant, une parcelle de terre, appelée le rosarium, était vraisemblablement réservée à la culture de cette fleur emblématique de la floraison des jardins du 19ème siècle et de l’engouement qu’elle y suscita. L’âge d’or de la rose est bien le siècle de George Sand ; en multipliant les hybridations entre les espèces connues _certaines provenant des confins de la Chine_, les pépiniéristes ont crée des variétés toujours plus nombreuses et diversifiées. Collectionnée par l’impératrice Joséphine en la résidence impériale de Rueil-Malmaison, les roses furent des fleurs particulièrement convoitées et admirées tout au long du siècle.
Quelques lettres écrites par George Sand à des amis passionnés de roses comme elle, nous renseignent sur les variétés qu’elle-même possédait dans sa roseraie. Sans forcément en faire la collection, elle paraît toutefois assez fière de pouvoir prétendre posséder telle ou telle variété et annonce clairement ses préférences…
Quelques lettres écrites par George Sand à des amis passionnés de roses comme elle, nous renseignent sur les variétés qu’elle-même possédait dans sa roseraie. Sans forcément en faire la collection, elle paraît toutefois assez fière de pouvoir prétendre posséder telle ou telle variété et annonce clairement ses préférences…
Lettre écrite à Nohant le 26 mai 1846, à Charles Veyret, riche industriel, ami de Frédéric Chopin, propriétaire à Marly-le-roi d’un somptueux jardin et fournisseur attitré en fleurs de George Sand dans ces années- là : « Vous m’avez promis aussi des greffes de roses. J’en ai déjà pas mal de très belles, mais vous devez avoir bien mieux. Ce que j’ai de plus beau, c’est une rose, rose vif, énorme, vigoureuse en feuillage, qu’on appelle je ne sais comment (dommage pour nous…) ; une rouge sur laquelle j’ai compté 310 pétales l’année dernière ; une thé safranée ; une autre thé blanche à cœur vert jaunâtre ; et enfin une thé couleur de
chair rosée. Si vous avez autre chose, faite m’en part… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 7, lettre n°3415).
Dans les agendas elle souligne très souvent leur floraison tardive, au coeur de l’hiver, ce qui pour elle paraît toujours avoir été un enchantement, comme un cadeau miraculeux tombé du ciel… D’ailleurs, dans une belle lettre écrite en réponse à un ami qui voudrait écrire sur la rose et qui s’inquiète de savoir si elle-même aurait déjà publié à ce propos, George Sand consacre la fleur « fille de Dieu et de l’homme ».
Lettre écrite à Nohant le 10 décembre 1873, adressée à Alphonse Karr : « Depuis hier je pense à la rose et je ne me rappelle pas lui avoir rendu l’hommage qu’elle mérite et qui sera meilleur que tous les autres venant de vous. J’adore les roses, ce sont les filles de Dieu et de l’homme, des beautés champêtres délicieuses dont nous avons su faire des princesses incomparables ; et pour nous en remercier, elles sont ardentes à la floraison. En plein décembre, dans mon jardin, qui est loin d’être sous un beau ciel, tous les matins j’en trouve de superbes qui s’ouvrent sans souci de la gelée blanche et qui se font d’autant plus aimer qu’elles ont survécu à presque toutes les fleurs en pleine terre. Ma favorite à moi, est une rose modeste, d’un blanc rosé, à feuilles de pimprenelle. Je la vois rarement dans les jardins et jamais sur les catalogues. Elle n’est plus à la mode, et puis elle est si épineuse qu’on a de la peine à la cueillir. C’est elle qui a le ton le plus fin et le parfum le plus délicat. Après elle, vient pour moi la rose-thé blanche à cœur verdâtre. Celle-ci ne sent que le thé, mais elle brave la gelée à glace, et j’ai une grande reconnaissance pour ces courageuses beautés qui charment généreusement nos tristes hivers de France… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin).
Quelques 10 années plus tard, la romancière consacra un conte à cette reine des fleurs ; intitulé « Ce que disent les fleurs », ce texte fut publié dans la deuxième série des Contes d’une grand-mère, en 1876. Ecrit à l’attention de ses petites-filles, ce conte a une vocation pédagogique : fourmillant d’indications horticoles concernant différentes variétés de fleurs, il narre la naissance mythologique, quelque part en Orient, de la mythique rose. Mise en concurrence avec toutes les autres fleurs, elle les dépasse par sa beauté et son parfum…
Dans les agendas elle souligne très souvent leur floraison tardive, au coeur de l’hiver, ce qui pour elle paraît toujours avoir été un enchantement, comme un cadeau miraculeux tombé du ciel… D’ailleurs, dans une belle lettre écrite en réponse à un ami qui voudrait écrire sur la rose et qui s’inquiète de savoir si elle-même aurait déjà publié à ce propos, George Sand consacre la fleur « fille de Dieu et de l’homme ».
Lettre écrite à Nohant le 10 décembre 1873, adressée à Alphonse Karr : « Depuis hier je pense à la rose et je ne me rappelle pas lui avoir rendu l’hommage qu’elle mérite et qui sera meilleur que tous les autres venant de vous. J’adore les roses, ce sont les filles de Dieu et de l’homme, des beautés champêtres délicieuses dont nous avons su faire des princesses incomparables ; et pour nous en remercier, elles sont ardentes à la floraison. En plein décembre, dans mon jardin, qui est loin d’être sous un beau ciel, tous les matins j’en trouve de superbes qui s’ouvrent sans souci de la gelée blanche et qui se font d’autant plus aimer qu’elles ont survécu à presque toutes les fleurs en pleine terre. Ma favorite à moi, est une rose modeste, d’un blanc rosé, à feuilles de pimprenelle. Je la vois rarement dans les jardins et jamais sur les catalogues. Elle n’est plus à la mode, et puis elle est si épineuse qu’on a de la peine à la cueillir. C’est elle qui a le ton le plus fin et le parfum le plus délicat. Après elle, vient pour moi la rose-thé blanche à cœur verdâtre. Celle-ci ne sent que le thé, mais elle brave la gelée à glace, et j’ai une grande reconnaissance pour ces courageuses beautés qui charment généreusement nos tristes hivers de France… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin).
Quelques 10 années plus tard, la romancière consacra un conte à cette reine des fleurs ; intitulé « Ce que disent les fleurs », ce texte fut publié dans la deuxième série des Contes d’une grand-mère, en 1876. Ecrit à l’attention de ses petites-filles, ce conte a une vocation pédagogique : fourmillant d’indications horticoles concernant différentes variétés de fleurs, il narre la naissance mythologique, quelque part en Orient, de la mythique rose. Mise en concurrence avec toutes les autres fleurs, elle les dépasse par sa beauté et son parfum…
Le jardin secret de George, d’Alexandre et de Nini…
Nini, est le surnom donné par George Sand à Jeanne-Gabrielle, fille de Solange et de Jean-Baptiste Clésinger. L’enfant naît en 1849 mais très vite elle se trouve prise dans la tourmente des relations houleuses de ses parents qui se sont séparés définitivement (après maintes tentatives de vie commune) en 1852. Fragilisée moralement durant ces années-là, Solange confia alors sa fille à George Sand afin de lui offrir un cadre de vie plus serein et stable que ce qu’elle-même pouvait lui donner à Paris. Nini passa donc durant sa courte vie (elle mourut en 1855) de grandes périodes chez sa grand-mère à Nohant, avec ou sans sa maman. George Sand adorait cette petite-fille, se préoccupait beaucoup de son bien-être physique comme moral et lui porta une attention toute particulière. Alexandre Manceau, graveur parisien, compagnon de la romancière durant cette période, n’était pas en reste ! Lui-même était sous le charme de cette enfant, au point que George Sand dit de Manceau qu’il était « l’amoureux de Nini » ! Le graveur, qui avait l’âge d’être le père de Nini, lui était entièrement dévoué !
Le jardin de Nohant fut pour l’enfant, George Sand et Alexandre Manceau, un espace particulièrement investi. Nini arpenta maintes et maintes fois les allées du jardin avec sa grand-mère qui en profita pour l’initier à l’observation de cette nature qu’elle-même aimait tant ; la volonté de George Sand d’aiguiser l’œil de sa petite fille à la beauté de la nature et de lui transmettre son sens du beau est évidente. Les lettres écrites alors à Solange par George Sand la renseignant sur les faits et gestes de sa fille à Nohant, laissent entrevoir une complicité évidente unissant cette « bonne maman » _ c’est ainsi que Nini la désignait_ à sa petite-fille adorée.
Lettre à Solange, écrite à Nohant le 21 septembre 1852 : « Nini se porte comme un charme… Elle est plus jolie que jamais. Elle parle de toi souvent, mais elle n’a pas de chagrin et croit toujours que tu reviendras demain. Elle fait des progrès étonnants de compréhension, et se livre à la description du jardin, des fleurs, du soleil qui met son manteau gris, et des étoiles qui ont des « pattes » d’or, des belles de nuit qui s’ouvrent le soir pendant que les meuves se ferment, des vers luisants etc… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 11, lettre n°5627).
A partir du printemps 1853, Nini avait alors 4 ans, George Sand décida d’aménager pour elle, un jardin fantaisiste au sein du petit bois. Elle répétait à ce moment-là l’intention que sa mère avait eu pour elle, lorsqu’elle était elle-même une enfant. La romancière accorda dans Histoire de ma vie de longs et beaux passages à ce petit jardin, parti de rien, que sa maman augmenta sans cesse. Ce jardin de rocaille créé pour la petite Aurore fut peut-être un des plus beaux cadeaux que sa mère lui fit : le cadeau du temps qu’elles y passèrent ensemble, de la magie qu’elle y apporta et des souvenirs heureux que George Sand conserva toute sa vie de ce lieu incroyable créé par une maman aux doigts de fée… George Sand, devenue grand-mère, fit donc à son tour ce cadeau-là à Nini.
Baptisé Trianon, ce jardin prit rapidement des proportions incroyables ! Agrandi et agrémenté sans cesse de toutes sortes d’éléments pour en faire un jardin toujours plus fantasque, il fut le fruit des efforts conjugués de George Sand qui s’y éreinta de longues journées et de ceux d’Alexandre Manceau qui, pour les beaux yeux de Nini et de sa grand-mère, s’y éreinta encore plus ! Des blocs de pierres, des arbres, des sarcophages _issus de fouilles entreprises alors autour de l’église de Vic_ des coquillages, des installations hydrauliques furent apportés en quelques mois à Trianon sous les yeux ébahis d’une petite fille qui fit de ce lieu son terrain de jeux de prédilection.
A la date du 23 avril, George Sand note dans l’agenda de l’année 1853 : « J’ai fait une montagne à côté de Trianon, mais Manceau l’a défaite et, en deux heures, a installé à la place un dolmen contenant un réservoir invisible, lequel envoie un jet d’eau dans la grotte de Trianon. Quelle surprise pour Nini et encore plus pour moi qui suis beaucoup plus enfant qu’elle… le jet d’eau dure deux heures ! ».
Baptisé Trianon, ce jardin prit rapidement des proportions incroyables ! Agrandi et agrémenté sans cesse de toutes sortes d’éléments pour en faire un jardin toujours plus fantasque, il fut le fruit des efforts conjugués de George Sand qui s’y éreinta de longues journées et de ceux d’Alexandre Manceau qui, pour les beaux yeux de Nini et de sa grand-mère, s’y éreinta encore plus ! Des blocs de pierres, des arbres, des sarcophages _issus de fouilles entreprises alors autour de l’église de Vic_ des coquillages, des installations hydrauliques furent apportés en quelques mois à Trianon sous les yeux ébahis d’une petite fille qui fit de ce lieu son terrain de jeux de prédilection.
A la date du 23 avril, George Sand note dans l’agenda de l’année 1853 : « J’ai fait une montagne à côté de Trianon, mais Manceau l’a défaite et, en deux heures, a installé à la place un dolmen contenant un réservoir invisible, lequel envoie un jet d’eau dans la grotte de Trianon. Quelle surprise pour Nini et encore plus pour moi qui suis beaucoup plus enfant qu’elle… le jet d’eau dure deux heures ! ».
Quelques jours plus tard, à la date du 3 mai, elle écrit : « …à midi, grande surprise : le grand et le petit Trianon, les grandes eaux, deux jets de huit pieds de haut, une cascade, une nouvelle rocaille, tout cela charmant, je suis épatée, ébahie ! Manceau éreinté, va dormir…».
Au début de l’année 1854, Manceau toujours à l’oeuvre, bat la campagne et ramène des « arbres couverts de lierre » pour Trianon ! George Sand écrit alors à Pierre-Jules Hetzel, l’éditeur du moment : « Je travaille à la terre, quatre ou cinq heures par jour avec une passion d’abrutie, et j’ai fait un jardin à ma fantaisie dans mon petit bois. Un jardin de pierres, de mousse, de lierre, de tombeaux, de coquillages, de grottes, ça n’a pas le sens commun, mais tout ce que j’y remue de pierres, de souches d’arrosoirs, de brouettées de sable et de terre, tout ce que j’y rêvasse de comédies, de romans, de riens, de flâneries intellectuelles, est fabuleux. J’ai commencé par une rocaille pour ma petite-fille et j’en suis à envahir un terrain qui ne s’arrête pas. Elle m’aide comme un vrai petit cheval. Elle bêche, elle ratisse, elle brouette. Elle se fait un petit corps de fer. Toute ma journée est donc un tête à tête avec elle… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 12, lettre n° 6142).
Au début de l’année 1854, Manceau toujours à l’oeuvre, bat la campagne et ramène des « arbres couverts de lierre » pour Trianon ! George Sand écrit alors à Pierre-Jules Hetzel, l’éditeur du moment : « Je travaille à la terre, quatre ou cinq heures par jour avec une passion d’abrutie, et j’ai fait un jardin à ma fantaisie dans mon petit bois. Un jardin de pierres, de mousse, de lierre, de tombeaux, de coquillages, de grottes, ça n’a pas le sens commun, mais tout ce que j’y remue de pierres, de souches d’arrosoirs, de brouettées de sable et de terre, tout ce que j’y rêvasse de comédies, de romans, de riens, de flâneries intellectuelles, est fabuleux. J’ai commencé par une rocaille pour ma petite-fille et j’en suis à envahir un terrain qui ne s’arrête pas. Elle m’aide comme un vrai petit cheval. Elle bêche, elle ratisse, elle brouette. Elle se fait un petit corps de fer. Toute ma journée est donc un tête à tête avec elle… ». (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 12, lettre n° 6142).
En février 1854, un chalet fut aménagé en dur à Trianon : il était pour Nini, George et Alexandre un petit lieu de villégiature au sein d’un jardin magique, créé de toute pièce par amour pour une enfant qui prit beaucoup de place dans la vie du couple… A la date du 12 avril 1854, alors que Nini était à Nohant, George Sand note dans l’agenda de l’année 1854 : « La soirée est magnifique, pleine lune ou peu s’en faut. Nous jouons au grabuge dans le chalet jusqu’à dix heures. Entre neuf et dix, Sirirus, vu derrière le tombeau gallo-romain, est juste au-dessus de l’île… Les rossignols chantent à tue-tête. La petite verdure est comme une vapeur répandue sous-bois et la lune fait briller la pervenche comme des nappes d’eau. Soirée rare pour la saison… ».
Cette belle et douce soirée de printemps à Trianon fut une des dernières soirées passées par George Sand et Alexandre Manceau en compagnie de la petite Nini. Son père arriva à Nohant un beau matin du mois de mai 1854, furieux contre Solange amourachée d’un amant ; il partit avec sa fille, la plaça dans une pension parisienne pour la soustraire à l’influence de sa mère. Au début de l’année 1855, alors que George Sand venait d’obtenir par décision judiciaire la garde de l’enfant contre son père, Jeanne-Gabrielle, maintenue en pension par décision de l’avocat de Clésinger, attrapa la scarlatine. Mal surveillée, mal soignée, sortie négligemment par Clésinger dans le froid, elle décéda le 14 janvier 1855 ; elle avait 6 ans. Aucun autre malheur ne frappa George Sand plus durement que la mort injuste de cette fillette.
Cette belle et douce soirée de printemps à Trianon fut une des dernières soirées passées par George Sand et Alexandre Manceau en compagnie de la petite Nini. Son père arriva à Nohant un beau matin du mois de mai 1854, furieux contre Solange amourachée d’un amant ; il partit avec sa fille, la plaça dans une pension parisienne pour la soustraire à l’influence de sa mère. Au début de l’année 1855, alors que George Sand venait d’obtenir par décision judiciaire la garde de l’enfant contre son père, Jeanne-Gabrielle, maintenue en pension par décision de l’avocat de Clésinger, attrapa la scarlatine. Mal surveillée, mal soignée, sortie négligemment par Clésinger dans le froid, elle décéda le 14 janvier 1855 ; elle avait 6 ans. Aucun autre malheur ne frappa George Sand plus durement que la mort injuste de cette fillette.
Un mois après la mort de l’enfant, George Sand écrivait à Solange : « je vais tous les jours pleurer dans le chalet toute seule… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 13, lettre n°6573).
Le jardin merveilleux de Trianon demeura au sein du petit bois ; George Sand continua pendant quelques années à y jardiner, à l’embellir, peut-être aussi à y pleurer. Cet endroit extraordinaire fut le catalyseur des sentiments qui unirent George Sand, sa petite-fille et Alexandre Manceau ; ils s’y forgèrent tous les trois des souvenirs de bonheur intense. Peut-être même, est-ce à cet endroit-là précisément, qu’avec sa bonne maman lui montrant les étoiles, Jeanne-Gabrielle vécut les plus beaux moments de sa courte vie…
Le jardin merveilleux de Trianon demeura au sein du petit bois ; George Sand continua pendant quelques années à y jardiner, à l’embellir, peut-être aussi à y pleurer. Cet endroit extraordinaire fut le catalyseur des sentiments qui unirent George Sand, sa petite-fille et Alexandre Manceau ; ils s’y forgèrent tous les trois des souvenirs de bonheur intense. Peut-être même, est-ce à cet endroit-là précisément, qu’avec sa bonne maman lui montrant les étoiles, Jeanne-Gabrielle vécut les plus beaux moments de sa courte vie…
Dans l’actuel jardin de George Sand, Trianon se devine aisément ; le souvenir de la présence de Nini à Nohant perdure donc.
A proximité de l’île, on constate qu’une partie du petit-bois a été bousculée. Des monticules de pierres apportées de l’extérieur, des sarcophages à moitié enterré et couverts de mousses, forment au milieu d’un dédale de petites allées, un endroit à part, irréel, comme figé dans le temps et abandonné. Ceinturé par de hauts buis, à l’abri des regards, le lieu forme un petit labyrinthe mystérieux vers lequel les enfants partant à l’aventure dans le grand jardin de George Sand, sont systématiquement attirés. Ils pensent pouvoir s’y cacher, s’y perdre et s’attendent à y trouver quelque fantôme surgissant des tombeaux oubliés…
A Nohant, le jardin de Nini est l’endroit préféré des enfants d’aujourd’hui…
A proximité de l’île, on constate qu’une partie du petit-bois a été bousculée. Des monticules de pierres apportées de l’extérieur, des sarcophages à moitié enterré et couverts de mousses, forment au milieu d’un dédale de petites allées, un endroit à part, irréel, comme figé dans le temps et abandonné. Ceinturé par de hauts buis, à l’abri des regards, le lieu forme un petit labyrinthe mystérieux vers lequel les enfants partant à l’aventure dans le grand jardin de George Sand, sont systématiquement attirés. Ils pensent pouvoir s’y cacher, s’y perdre et s’attendent à y trouver quelque fantôme surgissant des tombeaux oubliés…
A Nohant, le jardin de Nini est l’endroit préféré des enfants d’aujourd’hui…
Le jardinier de Madame Sand.
A Nohant, au sein d’une campagne isolée, vivant dans une grande habitation qui permettait d’accueillir régulièrement une dizaine de personnes et dans laquelle autant de domestiques travaillaient en étant logés et nourris, George Sand n’avait pas le choix : l’autarcie alimentaire s’imposait.
Le besoin d’un jardinier compétent découlait de cette obligation. Au jardin, cette volonté d’autarcie concernait la production de légumes mais aussi de fruits. Les parcelles de terre consacrées à la culture potagère occupaient une grande surface : le plan cadastral réalisé en 1841 à Nohant montre qu’une partie conséquente du jardin, organisée en carrés de même taille, était dédiée à cette production. A la lecture des agendas que George Sand a tenus de 1852 à sa mort, on constate une très grande diversité de légumes consommés et produits à Nohant, dont certains étaient ce que nous appelons aujourd’hui des « légumes oubliés » (chervis ou melon vert) ; d’autres furent acclimatés car ils n’étaient pas forcément cultivés en Berry (les tubercules de patates douces envoyés par le Toulonnais Charles Poncy par exemple !).
Nohant, le potager, dessin de Maurice Sand du 2 juin 1852.
Fonds Sand, ville de Paris / BHVP / Roger-Viollet.
Pour consulter les carnets de dessins de Maurice Sand, cliquez-ici
Fonds Sand, ville de Paris / BHVP / Roger-Viollet.
Pour consulter les carnets de dessins de Maurice Sand, cliquez-ici
Sur ce même plan cadastral, on constate que la partie du jardin dénommée « verger » occupait aussi une place importante. Les sources écrites laissées par la romancière indiquent là-encore, une grande diversité d’arbres fruitiers (pommiers, pêchers, poiriers, cognassier, cerisiers, néfliers, figuiers, abricotiers…). La présence de certains est même étonnante au cœur du Berry, mais la diversité botanique des fruitiers était bien plus riche autrefois qu’à notre époque et il est très probable que certaines variétés d’abricotiers puissent fructifier en-dehors de la zone méditerranéenne… Une vaste proportion du jardin, avec ses puits, ses serres et châssis, son pressoir, était donc entièrement dédiée à la culture vivrière. A la table de George Sand, toutes sortes de légumes et de fruits étaient de ce fait consommés en fonction des saisons, grâce au savoir-faire et à la technicité de l’homme auquel elle confiait la culture maraîchère et la taille de ses fruitiers : son jardinier !
A la lecture de certaines lettres, il est facile de comprendre les attentes exigeantes que George Sand avaient en matière de production potagère, mais aussi en matière de production florale : ses directives étaient précises, ni les légumes, ni les fleurs ne devaient manquer à Nohant ! En 1840, elle demande à son demi-frère, Hippolyte Chatiron qui veillait sur la propriété durant les longues absences hivernales de sa sœur, d’être attentif à ce que son jardinier, Pierre Moreau _qui ne savait pas lire_ travaille tel qu’elle l’entendait : « … il ne s’agit que de veiller à ce que Pierre fasse ce qui m’est utile et agréable ! Point d’asperges. Personne chez nous ne les aime, et cela consomme beaucoup de fumier. Je l’ai signifié à Pierre, je ne sais s’il l’aura fait _ mais force salades, artichauts, petit-pois, concombres, haricots verts et melons, des fleurs à mort… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 5, lettre n°2074).
Nohant, le puits du potager par Maurice Sand 1845. Fonds Sand, ville de Paris / BHVP / Roger-Viollet.
Nohant, le puits du potager par Maurice Sand 1845. Fonds Sand, ville de Paris / BHVP / Roger-Viollet.
Le jardinier comptait parmi la domesticité de George Sand, mais il avait un statut différent des autres domestiques. Son travail dépendait uniquement des directives de la romancière, il était en relation directe avec elle. Les sources écrites mentionnent souvent la présence de George Sand au jardin avec cet homme : ils travaillaient ensemble. En novembre 1843, George Sand retenue à Nohant pour des travaux au jardin, écrit à Maurice et Chopin rentrés à Paris, que Pierre Moreau « travaille comme il n’a pas travaillé depuis 20 ans. Il fume, terreaute, ensable, plante des fleurs de toutes sortes ; je suis sur son dos toute la journée, à la pluie et par tous les temps. Il fait semblant d’être enchanté, et me donne au diable dans son cœur… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 6, lettre n°2735). Dans l’agenda de l’année 1858, Alexandre Manceau note à la date du 29 janvier que George Sand s’applique à créer des dessins de parterre avec son jardinier (Jean Renaud à l’époque) ; la même année, à la date du 4 février, Manceau écrit encore : « Madame surveille les travaux de la pelouse… ». En 1861, l’agenda nous apprend que le 25 janvier, George Sand tire des plans dans son jardin avec son jardinier : «Maurice et Mme Solange sont partis ce matin pour Paris.La diligence était à la porte que Mme Sol voulait se faire faire un jupon, des confitures et aller aux communs. Maurice s'est fâché et on est parti. Madame va bien. Elle tire des plans dans son jardin avec Jean et le jardinier [Renaud]. Elle rentre au salon travailler aux Savants qui se nomment Valvèdre. Dîner, bésigue, lettres et roman.»
La rémunération de ce domestique plus savant et formé que ses collègues placés au service de l’intérieur, était forcément plus importante que celle des autres domestiques, quasiment doublée même par rapport à une femme de chambre par exemple. On parlait alors non de « salaire », mais de « gages » : ils étaient perçus à l’année, généralement à la Saint-Jean, le 24 juin, c’est-à-dire le premier jour de l’engagement qui durait jusqu’à la Saint-Jean suivante. Quelques lettres de George Sand, adressées parfois à des personnes susceptibles de lui procurer la perle rare, renseignent sur les exigences précises qu’elle attendait de la part de ce domestique pas comme les autres puisque il était complètement indispensable. En 1867, son jardinier, Jean Renaud, décida de quitter son service ; George Sand s’inquiéta donc de le remplacer rapidement et écrivit à plusieurs de ses connaissances, en particulier à Mr Edouard André, directeurs des serres de la Ville de Paris : « Pourriez-vous me trouver un honnête et bon garçon…, veuf ou célibataire, pour remplacer notre jardinier qui, après 15 ans de bonne entente chez nous (elle se trompe, il est resté 10 ans) s’en va, enlevé par sa jeune épouse. Voici les conditions que nous exigerons. Science maraîchère, taille des arbres fruitiers, élevage des fleurs de pleine terre et d’orangerie. Et voici nos offres : 500 francs de gages, bien logé, bien nourri, chauffé, éclairé etc… La maison est bonne, les maîtres doux, les autres domestiques excellents. En cas de maladie, tous les soins gratuits, et de bons soins… ». Adressée à un autre ami, une deuxième lettre précise que le jardinier de Nohant perçoit « des étrennes et quelques profits des promeneurs » et qu’il ne paie ni médecins ni pharmaciens (George Sand, Lettres retrouvées, édition établie par Thierry Bodin, lettres n°295 et 296). Les gages des domestiques étaient habituellement de 150 à 300 francs annuels, en plus du logement, du blanchiment et de la nourriture ; les femmes touchaient toujours moins que les hommes. Ces sommes sont modestes : 300 francs dans les années 1860 c’est le prix d’un bœuf, 150 francs c’est celui d’une vache ; George Sand versait 600 francs de loyer annuel pour un appartement à Paris qu’elle n’occupait pas souvent...
La serre et le potager de Nohant
Parmi la petite dizaine de jardiniers employés par George Sand dont les sources écrites se font l’écho, quelques figures se détachent : certains de ces hommes sortent de l’anonymat par la longévité de leur carrière à Nohant, leurs talents ou leurs défauts, et parce que George Sand a bien voulu écrire à leur propos ! Voici donc une petite galerie de portraits des jardiniers de Nohant…
Pierre Moreau était originaire du village ; né deux ans avant la Révolution Française, il fut employé comme jardinier à Nohant par Aurore de Saxe et occupa ce poste durant 40 ans. Marié avec une femme dont George Sand ne dit pas que du bien (elle la qualifie de « coquine », évoque ses « friponneries » et lui interdit l’accès de la maison et du jardin…), il eut un fils prénommé Maurice dont le fils de George Sand était le parrain. En 1846, excédée en constatant une fois de plus que Pierre vendait sous le manteau les légumes du jardin _elle avait fermé les yeux jusqu’alors…_, George Sand le renvoya. Il avait 60 ans.
Pierre Moreau était originaire du village ; né deux ans avant la Révolution Française, il fut employé comme jardinier à Nohant par Aurore de Saxe et occupa ce poste durant 40 ans. Marié avec une femme dont George Sand ne dit pas que du bien (elle la qualifie de « coquine », évoque ses « friponneries » et lui interdit l’accès de la maison et du jardin…), il eut un fils prénommé Maurice dont le fils de George Sand était le parrain. En 1846, excédée en constatant une fois de plus que Pierre vendait sous le manteau les légumes du jardin _elle avait fermé les yeux jusqu’alors…_, George Sand le renvoya. Il avait 60 ans.
Jean Collin n’a travaillé pour George Sand que 3 ans, de 1847 à 1850. On est mal renseigné sur ce personnage qui se distingua toutefois par son esprit entreprenant, contentant ainsi sa patronne ! Sur cette période où George Sand venait de faire aménager une belle serre, il est probable que les plantes exotiques aient été particulièrement bichonnées par Jean… En mai 1849, elle écrivit à Maurice : « Colin se livre à ses inspirations d’artistes en arrangeant bougrement bien ses caisses et ses pots de fleurs sur la terrasse… » ; « Collin a fait une Afrique sur la terrasse, tu ne sais pas ce que c’est ? Tu verras, c’est une invention à lui et à moi. Il est fafiot en diable, mais travaille comme un nègre… et jamais je n’ai eu un jardin si soigné… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 9, lettres n°4208 et 4227).
Jean Renaud a travaillé pour George Sand pendant 11 ans, de 1856 à 1867. Il épousa le 22 juillet 1861 l’une des cuisinières de George Sand, Rose Michel, qu’Alexandre Manceau conduisit jusqu’à l’autel ! Il se distingua en gagnant au concours agricole de La Châtre des 10 et 11 juin 1867, la médaille d’or dans la catégorie horticulture ! Cette belle récompense laisse présager de la qualité du fleurissement du jardin de George Sand et de la fierté, peut-être, qu’elle-même en retira…
Jean Renaud a travaillé pour George Sand pendant 11 ans, de 1856 à 1867. Il épousa le 22 juillet 1861 l’une des cuisinières de George Sand, Rose Michel, qu’Alexandre Manceau conduisit jusqu’à l’autel ! Il se distingua en gagnant au concours agricole de La Châtre des 10 et 11 juin 1867, la médaille d’or dans la catégorie horticulture ! Cette belle récompense laisse présager de la qualité du fleurissement du jardin de George Sand et de la fierté, peut-être, qu’elle-même en retira…
Plus tardivement, George Sand employa Henri Courtillet, neveu d’un domestique qu’elle avait depuis de nombreuses années à son service, Sylvain Brunet, cocher. Henri avait une sœur cadette qui était, elle aussi, employée à Nohant. Il travailla au jardin à partir de 1870 ; après avoir échappé à la conscription qui éloignait de chez eux très longtemps les jeunes hommes, il fut mobilisé dans la garde nationale en novembre 1870, en pleine guerre contre la Prusse. George Sand était rassurée de recevoir son courrier ; il réintégra ses fonctions au bout de quelques mois. Finalement, il resta peu de temps au jardin : George Sand renseigne sa fille, dans une lettre datée du mois de mars 1872, sur l’intégration du « petit Henri », comme elle le nommait, au service de l’intérieur, précisant « qu’il est aussi sale que Jean (valet de chambre employé depuis longtemps mais dont l’hygiène et la conduite étaient plus que douteuses…) et nous serons forcées de le laisser au gros ouvrage… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 22, lettre n°15987).
Le jardinier était à Nohant un homme-clé, dont l’efficacité déterminait la bonne marche de la grande demeure au sein de laquelle il y avait tant de bouches à nourrir ! Tout au long de l’existence de George Sand, entre la présence du vieux Pierre Moreau et celle du jeune Henri Courtillet, le métier de jardinier évolua énormément, sur le plan technique comme sur le plan de la diversité végétale toujours plus grande qui gagna les jardins. La romancière-jardinière a un point de vue très intéressant sur la condition de jardinier et l’avenir de cette profession en son siècle ; elle l’exprima à Maurice au moment où elle arriva à Nohant en mai 1846, après un long hiver passé à Paris, heureuse comme toujours de retrouver ses terres, sa demeure et son grand jardin : « J’ai trouvé mon jardin très bien entretenu et Pierre (Moreau) dans de meilleures idées pour l’avenir de son fils (né en 1832, prénommé Maurice, l’enfant était le filleul de Maurice Sand). Il n’en veut plus faire un curé, ni un maître d’école, mais un jardinier. Je lui conseille grandement de l’envoyer étudier l’horticulture et la serre chaude à Paris dans un an ou deux. Alors, il pourra s’il veut gagner de gros gages, avoir une place de 1200 francs chez des riches, aujourd’hui que la mode est aux jardins et que les fleurs sont une passion, il me semble qu’il n’y a pas de meilleur état que celui de jardinier… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 7, lettre n°3401).
Le jardinier était à Nohant un homme-clé, dont l’efficacité déterminait la bonne marche de la grande demeure au sein de laquelle il y avait tant de bouches à nourrir ! Tout au long de l’existence de George Sand, entre la présence du vieux Pierre Moreau et celle du jeune Henri Courtillet, le métier de jardinier évolua énormément, sur le plan technique comme sur le plan de la diversité végétale toujours plus grande qui gagna les jardins. La romancière-jardinière a un point de vue très intéressant sur la condition de jardinier et l’avenir de cette profession en son siècle ; elle l’exprima à Maurice au moment où elle arriva à Nohant en mai 1846, après un long hiver passé à Paris, heureuse comme toujours de retrouver ses terres, sa demeure et son grand jardin : « J’ai trouvé mon jardin très bien entretenu et Pierre (Moreau) dans de meilleures idées pour l’avenir de son fils (né en 1832, prénommé Maurice, l’enfant était le filleul de Maurice Sand). Il n’en veut plus faire un curé, ni un maître d’école, mais un jardinier. Je lui conseille grandement de l’envoyer étudier l’horticulture et la serre chaude à Paris dans un an ou deux. Alors, il pourra s’il veut gagner de gros gages, avoir une place de 1200 francs chez des riches, aujourd’hui que la mode est aux jardins et que les fleurs sont une passion, il me semble qu’il n’y a pas de meilleur état que celui de jardinier… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 7, lettre n°3401).
A Nohant aujourd’hui, le jardin nourricier de George Sand est encore bien visible aux yeux des visiteurs et participe évidemment à raconter l’histoire de ce jardin. Même si le potager, situé au même endroit, est nettement réduit en surface, des légumes y sont cultivés pour rappeler symboliquement qu’il y a 150 ans ils étaient cuisinés à la table de la romancière.
Le verger a gardé quasiment la même proportion qu’à l’époque de George Sand, mais il ne présente plus la même diversité d’arbres fruitiers qu’autrefois. Il compte une soixantaine de pommiers, dont certains sont des variétés endémiques de la région ; les fruits sont ramassés à l’automne et transformés en un jus de pommes qui est servi aux visiteurs lors des différentes manifestations culturelles proposées tout au long de l’année par le monument.
Le jus des pommes du verger de George Sand est le meilleur du Berry !
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Le verger a gardé quasiment la même proportion qu’à l’époque de George Sand, mais il ne présente plus la même diversité d’arbres fruitiers qu’autrefois. Il compte une soixantaine de pommiers, dont certains sont des variétés endémiques de la région ; les fruits sont ramassés à l’automne et transformés en un jus de pommes qui est servi aux visiteurs lors des différentes manifestations culturelles proposées tout au long de l’année par le monument.
Le jus des pommes du verger de George Sand est le meilleur du Berry !
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Un jardin de naturalistes confirmés…
Le jardin de George Sand fut patiemment observé à la loupe, par elle-même en premier lieu, par son fils Maurice, par son compagnon Alexandre Manceau, et par tous les amis naturalistes qu’elle reçut à Nohant. Passionnée par les sciences naturelles, George Sand s’est entourée de personnes avec lesquelles elle pouvait échanger à ce propos, les a accueillies chez elle tout naturellement puisque cet intérêt commun pour l’étude de la nature a déterminé ou confirmé leurs liens amicaux. Le jardin fut pour eux un terrain d’observation privilégié d’une nature à portée de main, un espace facile d’accès à propos duquel la romancière et ses proches se sont beaucoup interrogés, un lieu d’émulations intellectuelles qu’on devine enflammées !
George Sand fut initiée très jeune _ trop jeune peut-être_, aux études naturalistes, à la botanique en particulier, « qui n’est point du tout une science à la portée des demoiselles… », par son précepteur François Deschartres. Tel qu’elle le raconte dans Histoire de ma vie, elle en garda un souvenir plutôt pénible et n’y vit pas beaucoup d’intérêt à ce moment-là, de sens encore moins…
Plus tard, la botanique devint le ciment d’une des plus belles amitiés que George Sand contracta : celle que Jules Néraud, originaire de La Châtre, voulut bien lui accorder. Dans la 6ème lettre des Lettres d’un voyageur, George Sand rend un hommage magnifique à l’initiateur fabuleux que fut cet homme ; elle le surnommait le Malgache car il avait séjourné, entre autres contrées lointaines, sur l’île de Madagascar. Botaniste averti, il fit de l’étude de la nature, la condition sine qua non de l’amitié naissante entre lui et elle : « … il me déclara qu’il ne me manquait, pour obtenir son estime et sa confiance entière, que d’être un peu versé dans la botanique. Je lui promis de l’étudier, et, lui aidant, je m’en occupai jusqu’au point de ne rien savoir, mais de tout comprendre dans les mystères du règne végétal, et de pouvoir l’écouter causer tant qu’il lui plairait… Mon précepteur m’avait fait de la nature une pédante insupportable ; le Malgache m’en fit une adorable maîtresse. Il lui arracha sans pitié la robe bigarrée de grec et de latin au travers de laquelle j’avais toujours frémi de la regarder. Il me la montra nue comme Rhéa, et belle comme elle-même. Il me parlait aussi des étoiles, des mers, du règne minéral, des produits animés de la matière, mais surtout des insectes pour lesquels il avait conçu dès lors une passion presque aussi vive que pour les plantes… ». Le petit Maurice suivait sa mère et Néraud partout lors de leurs promenades naturalistes, et aiguisa ainsi son œil particulièrement tôt à l’observation des insectes et des papillons…
Quand Jules Néraud décida d’écrire un ouvrage de vulgarisation botanique, à visée pédagogique, il confia l’écriture de la préface à celle qui fut très sûrement la plus assidue de ses élèves ! C’est ainsi que George Sand signa la préface d’un livre, écrit par le Malgalche pour sa fille Angèle, intitulé La Botanique de l’enfance, publié en 1847.
George Sand acquit au fil du temps des connaissances en botanique qui paraissent immenses ; reconnaître toutes sortes de plantes était pour elle une évidence, en particulier bien sûr, les espèces végétales endémiques du centre de la France. En janvier 1861, elle écrit à Maurice pour lui faire part d’une belle découverte dans le jardin ; le propos laisse songeur tant son observation de la naissance de la vie est fine et précise… : « J’ai trouvé la veronica agrestis variété didyma en si belle floraison, sortant de la glace, que j’ai pu la spécifier. Et puis, sur des feuilles sèches où les pies avaient établi leur "cacatoire", j’ai observé une végétation blanche très jolie, très fine et déjà ramifiée et filamenteuse, s’emparant du lit de phosphate de chaux expulsé par ces dames. Génération spontanée telle que le bon sens doit l’admettre… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 16, lettre n°8944).
Au-delà des espèces végétales qu’elle avait l’habitude d’observer sous ses fenêtres et autour de Nohant, elle profita de ses nombreux séjours dans bon nombre de régions de France (Auvergne, Provence, Alpes, Normandie, Bretagne etc…) ou à l’étranger (Majorque, Italie) pour parfaire ses connaissances en botanique. Chaque nouveau séjour passé en dehors du Berry fut l’occasion de collectes de plantes afin de les reconnaître et de les classifier dans des herbiers.
Des herbiers de George Sand, il ne reste malheureusement plus que des bribes sans grande cohérence. L’épouse de Maurice vendit à un ami de la famille, Henri Amic, la plus grande partie des herbiers patiemment constitués par George Sand tout au long de sa vie. Ce dernier les conserva religieusement dans sa propriété dans l’Oise mais un incendie détruisit cette œuvre d’une vie… Il reste, toutefois, quelques pages des herbiers de George Sand (herbier de la flore alpine, sûrement collectée lors de son séjour en Savoie en 1861), chez elle à Nohant, et aux archives départementales de l’Indre.
Le Musée de La Châtre possède un album ayant appartenu à l’écrivaine dans lequel elle avait classé les plantes que son fils Maurice avait collectées en Amérique du Nord ; la commune de La Châtre a acquis dernièrement, lors d’une vente aux enchères des collections d’un érudit et collectionneur berrichon, un herbier créé par George Sand durant sa jeunesse au moment où l’ami Néraud l’initiait à la botanique ! L’objet a été remanié car les 68 feuillets qui le constituent ont été recollés sur un nouveau support ; il est néanmoins un document de premier ordre.
Au-delà des espèces végétales qu’elle avait l’habitude d’observer sous ses fenêtres et autour de Nohant, elle profita de ses nombreux séjours dans bon nombre de régions de France (Auvergne, Provence, Alpes, Normandie, Bretagne etc…) ou à l’étranger (Majorque, Italie) pour parfaire ses connaissances en botanique. Chaque nouveau séjour passé en dehors du Berry fut l’occasion de collectes de plantes afin de les reconnaître et de les classifier dans des herbiers.
Des herbiers de George Sand, il ne reste malheureusement plus que des bribes sans grande cohérence. L’épouse de Maurice vendit à un ami de la famille, Henri Amic, la plus grande partie des herbiers patiemment constitués par George Sand tout au long de sa vie. Ce dernier les conserva religieusement dans sa propriété dans l’Oise mais un incendie détruisit cette œuvre d’une vie… Il reste, toutefois, quelques pages des herbiers de George Sand (herbier de la flore alpine, sûrement collectée lors de son séjour en Savoie en 1861), chez elle à Nohant, et aux archives départementales de l’Indre.
Le Musée de La Châtre possède un album ayant appartenu à l’écrivaine dans lequel elle avait classé les plantes que son fils Maurice avait collectées en Amérique du Nord ; la commune de La Châtre a acquis dernièrement, lors d’une vente aux enchères des collections d’un érudit et collectionneur berrichon, un herbier créé par George Sand durant sa jeunesse au moment où l’ami Néraud l’initiait à la botanique ! L’objet a été remanié car les 68 feuillets qui le constituent ont été recollés sur un nouveau support ; il est néanmoins un document de premier ordre.
La bibliothèque de George Sand, selon le catalogue de la vente aux enchères qui en fut faite, regorgeait d’ouvrages d’histoire naturelle ; sa correspondance montre qu’elle s’inquiétait d’avoir les publications les plus récentes afin de parfaire sans cesse ses connaissances. Charles Duvernet, ami de toujours et voisin du Petit Coudray à Verneuil-sur-Igneraie, était lui-même un botaniste averti : il fut particulièrement sollicité dans le prêt d’ouvrages naturalistes. Il employait comme secrétaire, un très jeune homme, Francis Laur, féru lui aussi de sciences naturelles, que George Sand prit sous sa protection pour parfaire son éducation en la matière. En 1862, intriguée par une plante vraisemblablement inconnue sous les latitudes de Nohant, elle lui adressa la directive suivante, démontrant que le maître fut vraisemblablement dépassé par l’élève… : « Tâche de faire spécifier ma sauge et de trancher la question qui nous intrigue. Je suis intriguée moi de savoir d’où elle me vient… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 17, lettre n° 9796).
A la date du 17 juin, George Sand nota dans l’agenda de l’année 1868 que « Tourangin a trouvé dans le jardin l’oseille sanguine, très rare ». Gustave Tourangin, était le frère d’une amie de longue date de la romancière ; passionné de sciences naturelles, il resta toute sa vie au stade amateur malgré les encouragements de George Sand qui l’invita très souvent à Nohant, afin de renforcer les forces vives en matière d’études naturalistes ! Surnommé Micro, ce jeune homme était également grand connaisseur de lépidoptères, spécialisé dans l’étude des plus petits d’entre eux…
Mercredi 17 Juin à Nohant en 1868. Grande chaleur; Comme on se porte bien par ce temps-ci! Pourtant petite Gabrielle est grognon. Lolo est charmante. Je lis l'Astrée de Proth. Nous allons au bain, sauf Maurice qui est absorbé par ses papillons. On dîne dehors avec Planet dont je corrige l'article. On va tous à la miellée qui est exubérante. On prend derasa (?) pour la 1ère fois de la vie de Tourangin et Maurice. Au salon, nous prenons Mme Villot et moi V. nigrum rare et en bon état. Tourangin a trouvé dans le jardin l'oseille sanguine, très rare.
Mercredi 17 Juin à Nohant en 1868. Grande chaleur; Comme on se porte bien par ce temps-ci! Pourtant petite Gabrielle est grognon. Lolo est charmante. Je lis l'Astrée de Proth. Nous allons au bain, sauf Maurice qui est absorbé par ses papillons. On dîne dehors avec Planet dont je corrige l'article. On va tous à la miellée qui est exubérante. On prend derasa (?) pour la 1ère fois de la vie de Tourangin et Maurice. Au salon, nous prenons Mme Villot et moi V. nigrum rare et en bon état. Tourangin a trouvé dans le jardin l'oseille sanguine, très rare.
Le jardin de Nohant fut un vaste terrain d’observations et de collectes pour une autre science naturelle : l’entomologie. Maurice Sand a commencé à s’intéresser aux papillons et à les collectionner dès son enfance. A partir des années 1850, il développa pour cette étude un intérêt évident, plus érudit et scientifique.
A Nohant, la maison fut pensée pour que la passion de Maurice soit optimisée : un endroit spécifique, baptisé « cabinet entomologique » ou « chambre aux papillons » lui fut attribué et une organisation systématique du traitement des chenilles, cocons et papillons, de leur collecte jusqu’à l’éclosion de l’animal _au sein d’un « éclosoir » appelé aussi « ménagerie »_, né pour être aussitôt tué et épinglé, se mit en place…
Dans cette organisation très méthodique orchestrée par Maurice, Alexandre Manceau semble avoir eu un rôle déterminant car il a énormément secondé Maurice dans chaque étape _collecte du papillon ou de sa chenille, nourriture de la chenille, observation de la métamorphose chenille-cocon-chrysalide-papillon, épinglage du papillon_ du processus visant la finalité du projet : l’enrichissement de la collection de Maurice ! Manceau, parfois secondé de George Sand, fut donc à l’affût, dans le jardin en particulier, afin de repérer et collecter chenilles ou papillons ! La chasse aux papillons s’opérait même durant la nuit pour les espèces nocturnes, grâce à un procédé appelé « miellée » : les troncs des arbres du jardin étaient badigeonnés d’une substance à base de miel dont les papillons se régalaient, puis grâce à la flamme dégagée par une torche, les chasseurs attrapaient dans leur filet les proies attirées irrésistiblement par la lumière…
A Nohant, la maison fut pensée pour que la passion de Maurice soit optimisée : un endroit spécifique, baptisé « cabinet entomologique » ou « chambre aux papillons » lui fut attribué et une organisation systématique du traitement des chenilles, cocons et papillons, de leur collecte jusqu’à l’éclosion de l’animal _au sein d’un « éclosoir » appelé aussi « ménagerie »_, né pour être aussitôt tué et épinglé, se mit en place…
Dans cette organisation très méthodique orchestrée par Maurice, Alexandre Manceau semble avoir eu un rôle déterminant car il a énormément secondé Maurice dans chaque étape _collecte du papillon ou de sa chenille, nourriture de la chenille, observation de la métamorphose chenille-cocon-chrysalide-papillon, épinglage du papillon_ du processus visant la finalité du projet : l’enrichissement de la collection de Maurice ! Manceau, parfois secondé de George Sand, fut donc à l’affût, dans le jardin en particulier, afin de repérer et collecter chenilles ou papillons ! La chasse aux papillons s’opérait même durant la nuit pour les espèces nocturnes, grâce à un procédé appelé « miellée » : les troncs des arbres du jardin étaient badigeonnés d’une substance à base de miel dont les papillons se régalaient, puis grâce à la flamme dégagée par une torche, les chasseurs attrapaient dans leur filet les proies attirées irrésistiblement par la lumière…
Maurice étant souvent absent de Nohant dans les années 1850, retenu à Paris par son activité d’illustrateur, de nombreuses lettres écrites par sa mère le renseignent de la bonne marche des évènements « entomologiques »… Ainsi, le 20 avril 1852, elle lui écrit : « Nous avons un froid atroce depuis deux jours… Les papillons volent tout de même. J’ai pris un bel argus vert hier matin… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 11, lettre n°5043). Le mois suivant, George Sand renseigne encore son fils : « Hépiale louvette par milliers sur le pré du jardin sortant de terre la chrysalide au cul, immédiatement après le soleil couché. D’un coup de filet on en prend dix. Manceau en a préparé une vingtaine assez variées, et des deux sexes… » (Correspondance de George Sand par Georges Lubin, tome 11, lettre n°5436).
Les notes écrites dans les agendas sur la période 1850-1860 sont tellement nombreuses à relater les expériences entomologiques, durant les printemps et les étés, qu’elles sont presque indigestes… Le 2 mai 1852 : « Bombyx femelle né à la ménagerie » ; le 23 juillet 1852 : « Chenilles de polyomate sur les pois roses » ; le 2 août 1852 : « Belle chenille de phalène sur le scrofulaire » ; le 29 mai 1854 : « Chenille monstre de quercifolia, trouvée par le jardinier au jardin » ; le 30 mai 1854 : « Manceau mielle avec rage et prend de jolies noctuelles » ; le 17 juin 1854 : « Toute la journée, Maurice a rangé des chenilles et Manceau a apprêté des papillons » ; le 18 juillet 1859 : « Maurice et Manceau ont chassé la chenille avec des paranymphes dans les liserons du jardin » ; 20 août 1859 : « Manceau prend 12 sphinx du liseron qu’on met dans une cage pour les faire pondre » etc etc…
Cet engouement pour les lépidoptères ainsi que la méthode mise en place à Nohant pour en collectionner la plus grande diversité possible, eurent pour aboutissement la publication de deux ouvrages par Maurice, devenu membre des Sociétés entomologique et géologique de France.
Cet engouement pour les lépidoptères ainsi que la méthode mise en place à Nohant pour en collectionner la plus grande diversité possible, eurent pour aboutissement la publication de deux ouvrages par Maurice, devenu membre des Sociétés entomologique et géologique de France.
Le premier, intitulé Le Monde des papillons, promenades à travers champs, fut publié en 1867. Cet ouvrage en deux parties, préfacé par George Sand, est une collaboration entre Maurice et Alphonse Depuiset, entomologiste reconnu, reçu à Nohant en 1857. La première partie est signée Maurice ; illustrée de plusieurs dizaines de vignettes dessinées par l’auteur, elle est une sorte de manuel méthodologique quant à la chasse aux papillons et à leur traitement dans le but de la constitution d’une collection. La seconde partie est signée Depuiset ; elle propose un classement des différentes espèces de papillons en Europe ; elle est magnifiquement illustrée par 50 planches ornées des papillons présentés, de leurs chenilles et des plantes qui y sont associées. Le deuxième ouvrage que Maurice a consacré à l’entomologie est une publication beaucoup plus scientifique que la première et l’aboutissement pour le fils de George Sand, d’une part, d’un travail acharné durant de longues années, d’autre part, de la reconnaissance du milieu scientifique. Intitulé Catalogue raisonné des lépidoptères en Berry et Auvergne, publié en 1879, il répertorie quelques 6000 lépidoptères !
A la mort de Maurice en 1889, Marcelina, son épouse, vendit à un riche Américain la collection entomologique que son époux avait mis une vie entière à constituer. Il est possible qu’une partie de cette collection soit aujourd’hui entrée dans les fonds du British Museum à Londres.
Les papillons ou espèces végétales du jardin de George Sand furent ainsi dénichés, collectés, observés, reconnus, comparés, spécifiés, étiquetés et admirés durant des années, par la romancière, son fils, Manceau et tant d’autres naturalistes devenus des amis choisis pour appartenir à cette même famille de passionnés.
Au-delà des intérêts purement scientifiques que George Sand y trouva, au-delà de la réjouissance intellectuelle intense qu’elle ressentit à identifier telle ou telle plante, elle exerça aussi son œil à l’observation patiente et si ardue du monde végétal qui l’entourait, car elle y trouva des réponses à ses questionnements sur le sens de la vie. Dans des textes tardifs réunis en un recueil intitulé Les Nouvelles lettres d’un voyageur, George Sand explique comment la botanique lui permit finalement de satisfaire ses réflexions métaphysiques. Elle écrit que le principe de vie appartenant à la plante observée et classifiée en une famille, est éminemment respectable : « Je vois dans la moindre étude des choses naturelles, dans la moindre manifestation de la vie, une puissance dont nulle autre ne peut anéantir le principe… tout se maintient dans l’équilibre qui permet à la vie de remplacer la mort à mesure que celle-ci opère une transformation devenue nécessaire. Je sens le souffle divin vibrer dans toutes ces harmonies qui se succèdent pour arriver toujours et par tous les modèles au grand accord relativement parfait, âme universelle, amour inextinguible, puissance sans limites… ». Dans son jardin, minuscule confetti appartenant à l’infini de l’Univers, armée de sa loupe, George Sand a cherché Dieu sur les pétales des fleurs et les ailes des papillons. Elle pensa l’avoir trouvé finalement…
Vinciane Esslinger.
Rattachée au Centre des Monuments Nationaux, guide au château de Nohant chez George Sand.
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