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Histoire de ma vie

Mon signalement
Yeux noirs, cheveux noirs, front ordinaire, teint pâle,
nez bien fait, menton rond, bouche moyenne, taille quatre
pieds dix pouces, signes particuliers aucun………………..
…..Je n’eus qu’un instant de fraîcheur et jamais de beauté.
Mes traits étaient cependant assez bien formés, mais je ne songeai
jamais à leur donner la moindre expression. L’habitude
contractée, presque dès le berceau, d'une rêverie dont il me
serait impossible de me rendre compte à moi−même me
donna de bonne heure l' air bête . Je dis le mot tout net, parce
que toute ma vie, dans l'enfance, au couvent, dans l'intimité
de la famille, on me l'a dit de même, et qu'il faut
bien que cela soit vrai.
Somme toute, avec des cheveux, des yeux, des dents
et aucune difformité, je ne fus ni laide ni belle dans
ma jeunesse, avantage que je considère comme
sérieux à mon point de vue, car la laideur inspire des
préventions dans un sens, la beauté dans un autre.
On attend trop d'un extérieur brillant, on se méfie
trop d'un extérieur qui repousse. Il vaut mieux avoir
une bonne figure qui n'éblouit et n'effraye
personne, et je m'en suis bien trouvée avec
mes amis des deux sexes.

George Sand
(Histoire de ma vie)
 

La correspondance de George Sand


Je prie monsieur Ritt de vouloir bien donner une petite loge pour ce soir. Compliments et amitiés GSand Octobre 1869 (Paris)

A Jules Sandeau, Nohant octobre 1832

..................................................................................................................................................................
Je t'embrasse bien tendrement, je te souhaite plus de plaisir et autant de satisfaction qu'à moi.
Je t'engage à m'aimer un peu et pour cause.
Sois sur de me trouver toujours sincère et constante dans mes sentiments pour toi.
Ton amie Aurore.

Cette lettre autographe n'est pas complète, la première partie a été coupée, authentifiée par Aurore Sand. Ancienne collection Joseph Pierre.
Dans les textes réunis, classés et annotés par Georges Lubin dans La correspondance de George Sand, voici ce qui est écrit :
"Dans l'impossibilité de recourir à l'autographe, nous reproduisons le commentaire dont Joseph Pierre avait accompagné sa publication :" Un refroidissement entre les deux associés se laissait deviner déjà en juillet 1832. Il se tourna en vraie brouille au début d'octobre. Cependant, d'amicales interventions aidant, un rapprochement eut lieu le 28 de ce même mois. Voici la fin d'une lettre inédite à Jules Sandeau, tirée de mes collections d'autographes, qui dépeint assez bien la situation critique et tiède de leurs relations."
Sur quoi J.Pierre fondait-il ce rapprochement du 28 octobre ? Nous allons voir que George Sand, est déjà à Paris le 25, et annonce à Papet la réconciliation.
Cette lettre est, pensons-nous, écrite de Nohant, avant que George Sand ne monte dans la chaise de poste. Mais nous sommes loin d'en être assuré.
Ah ! que Joseph Pierre eût été bien inspiré d'être plus explicite, et plus généreux dans se citation. Dire qu'il n'existe qu'une lettre à Jules Sandeau, et qu'il n'est même pas possible de la connaitre dans son intégralité !

Albine


En 1876, George Sand écrivait quelques lettres de ce qui devait être sa dernière œuvre, un roman épistolaire, et qui demeure inachevé.
Quelques années après la disparition de la romancière, son fils, Maurice Sand, prit l'initiative de faire éditer le manuscrit, en l'état, par la Nouvelle Revue.
Parmi les personnages, celui dont le nom intitule l'aventure, Albine Fiori, est une enfant "trouvée", devenue une danseuse renommée, créatrice - ou créature - de La Sylphide, en 1832, et à qui Victor Hugo avait ainsi dédicacé un livret : "A vos pieds, à vos ailes."

Dernier chapitre de la première partie : Je vous dis toutes les réflexions qui me sont venues ce matin après avoir remis à Juste Odoard la lettre qui le fera pénétrer dans vos sanctuaires. Je me suis gardé de lui dire sur quel pied d'intimité vous comptez l'accueillir, et cela à cause d'une réponse qu'il m'a faite et qui m'a donné à penser. Comme je le prévenais d'avoir à ne blesser en rien vos idées politiques et religieuses, il ne m'a point dit : "Ces idées, je les respecte." Il m'a dit : "Les idées des autres, cela ne me regarde pas." J'ai été frappé du ton bref et du regard froid, et dès lors toutes les appréhensions que je viens de vous soumettre ont surgi rapidement dans mon esprit. Il m'a demandé s'il trouverait des facilités pour se loger et se nourrir dans votre montagne ; j'ai pris alors sur moi de lui répondre que vous lui assuriez le vivre et le couvert dans de bonnes conditions de bien- être et qu'il n'aurait à se préoccuper de rien ; mais que vous étiez fort studieux et qu'il ne vous verrait qu'à vos heures de loisir. Il a compris qu'il mangerait chez lui et ne serait admis auprès de vous que sur votre invitation. "Alors, m'a- t-il dit, ce sera la solitude. Je vais emporter beaucoup de livres et de papier pour écrire." Et il m'a quitté sans montrer aucun mécontentement.
Donc, mon ami, vous êtes libre de suivre mon conseil ou de révoquer mon arrêt. Je vous demande de réfléchir et de m'aimer toujours comme je vous aime.

Maintenant, ici se termine le dernier manuscrit rédigé par George Sand, Albine, et que la mort lui empêcha d'achever.
"C'est d'autant plus facile, m'a- t-il dit, qu'il lui fallait repartir dès le jour pour retourner auprès de son parent malade. Il ne m'eût pas quitté s'il n'eût été préoccupé de l'idée de le laisser seul.
Il est donc parti ce matin, à cheval, pour aller et revenir plus vite, et depuis six heures jusqu'à midi j'ai exploré le vieux manoir de la cave au grenier. J'ai arpenté et mesuré la montagne dans tous les sens…

George Sand

La correspondance de George Sand


Madame,
Je n’ai pas reçu la première lettre dont vous me parlez. C’est l’excuse de mon silence qui eut été bien ingrat.
Je vous remercie cordialement des sentiments que vous me témoignez et regrette bien de ne pouvoir en ce moment vous en exprimer de vive voix ma gratitude.
Mais le temps me manque et la santé aussi pour satisfaire aux nombreux devoirs qui me sont imposés.
Agréez, quand même, l’expression de ma gratitude pour votre lettre si bonne pour moi.
George Sand

Lettre autographe signée, à Nohant, 15 février 1852, à Madame Émilie Guyon (1821-1878) était une actrice française sociétaire de la Comédie-Française.

Impressions et souvenirs


La forêt de Fontainebleau
Voici une lettre que je reçois :
 
La pétition des artistes avait obtenu auprès de M. le président de la République l'accueil le plus favorable; néanmoins l'adjudication de la plus grande partie des lots a eu lieu au jour indiqué.
Pour essayer d'empêcher à l'avenir d'aussi vastes mutilations, les signataires de la pétition se sont constitués en comité de protection artistique (de la forêt de Fontainebleau, et, pour bien préciser leur but, ont voté à l'unanimité la résolution suivante ; Que la forêt de Fontainebleau doit être assimilée aux monuments nationaux et historiques qu'il est indispensable do conserver à l'admiration des artistes et des touristes, — et que sa division actuelle en partie artistique et non artistique ne doit être acceptée que sous toutes réserves.)
Les idées rétrécies réagissent sur les sentiments qui s'appauvrissent et se faussent. L'homme a besoin de l’éden pour horizon. Je sais bien que beaucoup disent: « Après nous la fin du mon Ici C'est le plus hideux et le plus funeste blasphème que l'homme puisse proférer. C'est la formule de sa démission d'homme, car c'est la rupture du lien qui unit les générations et qui les rend solidaires les unes des autres.

  George Sand, le 6 novembre à Nohant 1872.
George Sand et « la forêt de Fontainebleau » : pour la défense non d’un paysage muséifié, mais d’un bien commun.
Dans « La Forêt de Fontainebleau », texte publié dans Le Temps du 13 novembre 1872, Sand répond publiquement à une demande d’artistes constitués en « Comité de protection artistique de la forêt de Fontainebleau » pour protester contre les coupes importantes qu’entend y faire l’État, après l’interruption imposée par la guerre, et malgré les coupes réalisées par les Prussiens.
Le mouvement d’intérêt des artistes pour la forêt de Fontainebleau et sa défense est ancien. On sait que George Sand connaît bien ce lieu qu’elle a évoqué à plusieurs reprises dans son œuvre, et qu’elle a participé au volume d’Hommage à C.-F.Denecourt, Fontainebleau-Paysages-Légendes-Souvenirs-Fantaisies paru chez Hachette en 1855.
Mais ce texte de 1872 livre un regard renouvelé, et original par rapport à la position des artistes qui ont sollicité la romancière – qu’elle soutient tout en prenant quelque distance. Si elle reconnaît dans cette forêt un « monument naturel » qu’il faut défendre contre la logique de la rentabilité et du profit immédiat, elle appelle à envisager la question d’un point de vue plus large que celui des seuls artistes ou même d’un tourisme populaire, dans une réflexion à la fois écologique et politique.
Sa réflexion expose une conscience remarquable des interactions au sein d’un environnement où la destruction d’un élément a des répercussions sur tous les autres, et peut constituer une menace pour l’humanité même.
D’un point de vue éthico-politique, encore marqué par l’expérience de la guerre, Sand affirme que la forêt, et plus largement la nature, est un bien commun de l’humanité, nécessaire à sa survie morale comme physique. Il importe donc, en ces temps de « ruralité réaliste », de faire entendre, au-delà des protestations des élites – artistiques ou scientifiques – les droits du « genre humain » et de développer la conscience d’une responsabilité à l’égard des générations futures.
Jusqu’au début du XXe siècle, c’est avant tout au nom de la perception paysagère, qu’artistes et naturalistes, soutenus par certains forestiers, s’opposent aux forestiers productivistes » afin de défendre un paysage, le « musée vert », le « monumentFontainebleau », dit Olivier Nougarède ?
Sans vouloir faire de Sand une « patronne des écologistes » (G. Lubin), on soulignera que dans ce texte – où se mêlent attachement à la leçon de Rousseau, images issues du romantisme, souvenirs personnels, vocabulaire scientifique (« les éléments de nutrition moléculaire ») et observations concrètes (la mutilation de l’orme ou du saule blanc) George Sand s’éloigne nettement de la défense d’un « paysage muséifié », et l’on cherchera à comprendre ce qui fonde sa position, nourrie à la fois d’expériences singulières et de lectures poétiques et scientifiques.
Christine PLANTE professeur à l’Université de Lyon II
 

Pensées littéraires 1835


Lire, fumer, souper, boire du café, écrire, être à Nohant et complètement seule dans la profond silence de la nuit.
Voila ce que j’ai. Je suis plus heureuse que je ne l’ai jamais été, parcque ma position est arrivée à l’échelle exacte de mes besoins. Et puis l’amour divine est dans le fond de mon âme, et le ciel sur ma tête.
 
Moralité du dessin
Moralité du dessin qui précède, page manuscrite par George Sand (collection Famille Périgois).

Moralité du dessin qui précède

.
Deux amoureux sont là, guettant la fleur charmante,
Le papillon superbe est la bête rampante;
L’une qui souille tout dans son embrassement,
L’autre qui, du pollen, s’enivre follement.

Femmes, talents, beautés, contemplez votre image.
Toujours un ennemi s’abreuve de vos fleurs :
Soit qu’i dévore, abject, la tige et le feuillage,
Soit qu’il pille, imprudent, le parfum de vos cœurs.

George Sand, Nohant le 30 mai 56.
 
Horace George Sand
Première page du manuscrit de Horace par George Sand (collection Sickles),

Horace


Les êtres qui nous inspirent le plus d'affection no sont pas toujours ceux que nous estimons le plus. La tendresse du coeur n'a pas besoin d'admiration et d'enthousiasme : elle est fondée sur un sentiment d'égalité qui nous fait chercher dans un ami un semblable, un homme sujet aux mêmes passions, aux mêmes faiblesses que nous. La vénération commande une autre sorte d'affection que cette intimité expansive de tous les instants qu'on appelle l'amitié. J'aurais bien mauvaise opinion d'un homme qui ne pourrait aimer ce qu'il admire ; j'en aurais une plus mauvaise encore de celui qui ne pourrait aimer que ce qu'il admire.
Ceci soit dit en fait d'amitié seulement. L'amour est tout autre : il ne vit que d'enthousiasme, et tout ce qui porte atteinte à sa délicatesse exaltée le flétrit et le dessèche. Mais le plus doux de tous les sentiments humains, celui qui s'alimente des misères et des fautes comme des grandeurs et des actes héroïques, celui qui est de tous les âges de notre vie, qui se développe en nous avec le premier sentiment de l'être, et qui dure autant que nous, celui qui double et étend réellement notre existence, celui qui renaît de ses propres cendres et se renoue aussi serré et aussi solide après s'être brisé; ce sentiment-là, hélas! ce n'est pas l'amour, vous le savez bien, c'est l'amitié.
Si je disais ici tout ce que je pense et tout ce que je sais de l'amitié, j'oublierais que j'ai une histoire à vous raconter, et j'écrirais un gros traité en je ne sais combien de volumes ; mais je risquerais fort de trouver peu de lecteurs, en ce siècle où l'amitié a tant passé de mode qu'on n'en trouve guère plus que d'amour. Je me bornerai donc à ce que je viens d'en indiquer pour poser ce préliminaire de mon récit...

George Sand, extrait de Horace (1841).

Le livre Horace en ligne, cliquez-ici
 
George Sand correspondance
George Sand correspondance 2
George Sand correspondance 3
George Sand correspondance 4

La correspondance de George Sand


Nohant le 4 mai (pour juin) 1866,

Mon enfant, ta lettre m’embarrasse beaucoup. D’abord et avant tout, tu vas entrer dans une liberté complète que tu as conquise par ton travail et ta volonté. Ton droit est donc absolu et le mien se borne à des conseils. Mais ce n’est pas seulement un droit que j’ai, c’est un devoir. En m’intéressant à toi dès le premier jours, j’ai contracté l’obligation de te continuer cette sollicitude tant que tu en seras digne, et comme tu en es parfaitement digne, il faut bien que cela me coûte, que je te dise ce que je crois nécessaire de te dire.
Ta santé exige plus de ménagements que tu ne parais le croire. Tu n’es pas pris, mais tu es menacé. Question de tempérament, qui rendra toujours assez grave un rhume ou un enrouement insignifiant chez un autre. Je suis presque sûre de ce que je te dis, et en mon âme et conscience, je t’avertis de deux choses. La première c’est qu’il ne faut pas te marier très jeune la seconde c’est qu’il faut passer deux ou trois ans en Afrique ou dans le midi de l’Espagne ou de l’Italie.
Tu es libre de jouer ta vie, de la faire, comme on dit, courte et bonne. Mais as-tu le droit de courir les chances d’un suicide ? Interroge ta conscience.
Fais-nous tes réflexions. Prends encore quelques jours et si tu persistes, écris moi de nouveau. Je ferais tout ce que tu me demandes. Rodrigues le fera aussi, j’en suis sûre. Pourtant j’exige que tu m’envoies l’avis d’un honnête et sérieux médecin sur ta santé en général. Si Morère s’est trompé, tant mieux, et vogue la galère. Tu mettras ainsi mon esprit en repos, car je suis certaine que tu ne demanderais pas un certificat de complaisance quand il s’agit de moi.
Je t’embrasse. Ecris et explique encore plus ce qu’il faut faire, s’il y a lieu de préserver dans le projet dont tu m’entretiens.
Ta lettre m’à été renvoyée ici où j’arrive. je trouve tout mon cher monde en bonne santé et Aurore très belle et très jolie, des yeux admirables et un excellent caractère. Elle ne sait pas ce que c’est de crier.
Moi je me promet bien et je compte passer ici au moins deux mois. C’est donc ici qu’il faut m’écrire. Maurice et Lina t’embrasse.

G Sand
Lettre adressée à Francis Laur; jeune homme féru de sciences naturelles qui a travaillé pour Charles Duvernet comme secrétaire et qui venait à Nohant. George Sand l'a encouragé dans la voie des sciences.
Rodrigues, Edouard pour le prénom, est un homme fortuné, un riche soucieux d'aider les pauvres que George Sand admirait, c'est à lui qu'elle a vendu l'Education de la Vierge à la mort de Eugène Delacroix car elle ne voulait pas la vendre à n'importe qui.
Morère c'est le médecin de George Sand à Palaiseau.
Publié dans la revue de Paris le 15 novembre 1899 sous la date fausse du 4 mai 1866 et incomplète de la fin depuis « Je t’embrasse ».
Correspondance par Georges Lubin, tome 20, page 10 et 11.
Collection privée.
 
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